Les Grands Départs : Suite en avant
Scène

Les Grands Départs : Suite en avant

Si à son nom on associe spontanément ses grands éclats de rire et sa fructueuse carrière radiophonique, JACQUES LANGUIRAND n’en est pas moins un homme de théâtre accompli: metteur en scène, comédien, concepteur, dramaturge. Il retourne, depuis quelques années, à ses premières amours…

Invité par Robert Lepage à jouer dans la trilogie Shakespeare, Jacques Languirand revient alors au théâtre après plus de 20 ans d’absence. "Robert m’a réconcilié non seulement avec le théâtre, mais avec un aspect important de mon engagement personnel: la créativité." Depuis, les projets se succèdent: projets de spectacles, de textes, prix du Concours international de théâtre de la Fondation Onassis, à Athènes, pour sa dernière pièce, Faust et les radicaux libres. Dans la foulée, présentation de la comédie Les Grands Départs, créée en 1957; Patric Saucier, qui rêvait de monter ce texte depuis longtemps, signe la mise en scène.

Si Jacques Languirand prend toujours beaucoup de plaisir à l’écriture dramatique – "J’ai l’habileté, à mon âge, de brasser de "grosses affaires"…", dit-il -, il se souvient en souriant de l’époque des Grands Départs. "C’était une période assez heureuse, où je pouvais écrire avec une certaine forme d’automatisme: créer une situation qui se développe et là, laisser les personnages s’exprimer, parler d’eux-mêmes."

Inspirée d’un souvenir que racontait son père, la pièce présente une drôle de famille, campée par les comédiens Jack Robitaille, Marie-Ginette Guay, Lorraine Côté, Michel Nadeau, France Larochelle et Roland Lepage; ils attendent les déménageurs. Au moment d’écrire, Languirand est habité par le désir d’explorer des personnages. "J’ai voulu situer les personnages à un moment de leur vie commune qui permettrait de travailler la confrontation entre eux. Un déménagement: tu viens de faire tes bagages, tu as vu défiler ta vie; c’est cette réflexion-là qui m’est venue, et je suis parti sans savoir du tout ce que feraient les personnages, qui se sont imposés à moi au fur et à mesure de l’écriture. On est à un moment faible de la vie commune, à un moment où il n’y a pas grand-chose qui les retient. Tout est remis en question, tout est dans les boîtes, et on attend."

À l’époque, aucun désir, chez le dramaturge, d’écrire la fable politique qu’on y a souvent lue depuis. "Je n’étais pas conscient, alors, d’une chose qui paraît maintenant évidente: la métaphore d’un milieu qui cherche à se dépasser ou à se replier, à partir de l’opposition entre rester ou partir. C’est seulement plus tard que ça m’est apparu. Est-ce que c’est le portrait de la société? Sans doute; mais c’est aussi le mien. La question de partir, de s’arracher d’un milieu, et la question de revenir, de se replanter dans un milieu, c’est quelque chose que j’ai vécu. Ça a été mon grand débat dans la vie."

Une certitude, pourtant, depuis le début: le goût de communiquer, d’écrire. "On écrit pour éveiller, on écrit pour élargir, soi-même d’abord, puis les autres, à travers nos écrits. Si tu n’as pas envie de te battre, tu n’écris pas. J’ai hérité ça de quelques personnes, et en particulier de Félix Leclerc. Ça a toujours été pour moi un engagement, dont la justification intellectuelle ne m’est venue que bien des années plus tard, en lisant Camus, Sartre…" Il poursuit: "Je suis un enseignant. Quand on est un enseignant sérieux, on apprend avant d’enseigner. Dans la vie, ce sont les deux fonctions les plus importantes, à ce que je sache. J’ai ce souci de montrer; les gens feront ce qu’ils veulent avec ça."

Du 2 au 27 octobre
Au Théâtre de la Bordée
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