Bien qu’elle ait perdu de son iconoclasme, Elle, une pièce inachevée de Jean Genet, expose avec justesse l’envers de la médaille de la gloire, la merde sous la dorure. Écrite en 1955, mais publiée seulement en 1989 aux Éditions l’Arbalète, trois ans après la mort de l’auteur, et créée la même année en Italie avec la grande Maria Casarès dans le rôle du Saint-Père, Elle (un jeu de mots autour de Sa Sainteté) imagine une séance de photographie qui vire au grotesque avec le pape dans une salle du Vatican. Mais, selon André Brassard qui dirige le spectacle à l’affiche au Théâtre Prospero, la pièce dénonce davantage "l’importance de l’image" que les coulisses du Vatican.
Malheureusement, la production du Théâtre de l’Utopie n’arrive pas à faire ressortir les qualités du texte. Dans une mise en scène convenue et sans génie de ce vieux routier des planches, les jeunes comédiens n’arrivent pas à susciter un intérêt autre que celui de la bouffonnerie ou du cabotinage. Par moments, leur jeu frise même l’amateurisme. Le soir de la première, devant une salle presque vide, quelques spectateurs riaient bruyamment et n’importe quand, ce qui provoquait un malaise. Cela n’a certes pas aidé les comédiens à défendre un spectacle déjà fragile.
Néanmoins, on peut se questionner sur le choix d’une pièce ayant pour thème le pape. Le Québec d’aujourd’hui n’a-t-il pas longtemps réglé ses comptes avec la religion catholique en la parodiant ad nauseam? D’autant plus que ce spectacle est porté par une très jeune troupe. On se demande pourquoi des comédiens qui n’ont pas 30 ans s’investissent dans un projet tourné vers le passé… Pourtant, les sujets d’actualité ne manquent pas.
Jusqu’au 4 novembre
Au Théâtre Prospero