François Morency : Un homme et ses péchés
Scène

François Morency : Un homme et ses péchés

Dans la ville de Woody Allen, au lendemain du 11 septembre, tout le monde se posait la question: pourra-t-on rire à  nouveau?

Dans la ville de Woody Allen, au lendemain du 11 septembre, tout le monde se posait la question: pourra-t-on rire à nouveau? Il aura fallu un peu de temps et le talent des stand-up comics Jerry Seinfeld et Chris Rock, pour que les New-Yorkais renouent avec l’art de se moquer des travers de l’espèce humaine. À Montréal, l’humour a toujours la cote; il est revenu en force avec les premières successives de Lise Dion et de François Morency, la semaine dernière. Deux humoristes abordant très peu l’actualité, préférant parler de choses intimes et personnelles, mais avec un regard universel.

Depuis son premier one man show, en 1997, François Morency a touché à tout avec succès: cinéma, radio, télévision… En quelques années, il est devenu un comédien aimé et familier du public québécois. C’est notre boy next door, le beau gars timide et réservé, mais toujours sympathique et à sa place.

Or, comme tous les gars parfaits, François Morency a bien des défauts. C’est justement le thème de son nouveau spectacle, constitué d’une dizaine de monologues dans lesquels l’humoriste de 35 ans se moque de ses phobies et de ses angoisses. Il nous confie aussi quelques-unes de ses peurs, dont celles de vieillir et de s’engager dans une relation amoureuse stable.

Malheureusement, ces "grandes révélations" annoncées s’avèrent plutôt des petits péchés d’orgueil: son impulsivité, son impatience, sa naïveté… On sort du spectacle de Morency avec la curieuse impression de ne pas mieux le connaître, en ayant encore la même image de sa personnalité qu’avant la représentation. Dommage, car cette drôle d’introspection aurait pu fournir du bon matériel comique si l’humoriste avait plongé un peu plus.

Ce n’est pas sa performance qui est en jeu (Morency est une bête de scène, un excellent performeur capable de capter instantanément l’attention du public), ni la mise en scène rythmée de Guy Lévesque; le problème se situe, à mon avis, sur le plan des textes que Morency a écrits en collaboration avec Benoît Pelletier, Jean-François Mercier, Sylvain Larocque et Daniel Thibault.

Ces scripteurs ont conçu un portrait monolithique, très sage, sans profondeur ni nuances sur le célibataire dans la trentaine. Leurs numéros nous servent plusieurs lieux communs qui éclairent davantage le narcissisme du jeune mâle blanc et solitaire, que sa vulnérabilité ou son mal de vivre. Morency aurait peut-être eu besoin d’un point de vue différent (féminin?) pour donner un peu plus de couleur à ses textes.

Par exemple, en abordant l’inépuisable sujet de la guerre des sexes, l’humoriste nous redonne le classique "les femmes vivent sur Vénus, et les hommes sur Mars". Or, je m’étonne qu’un artiste de sa sensibilité et son intelligence se sente plus proche d’un beau-frère imbécile que d’une femme professionnelle et branchée, et ce, pour ne pas déroger à sa caste.

D’autres monologues sont assez prévisibles (comme celui sur la mort pendant lequel l’humoriste débarque au purgatoire et hésite entre l’enfer, "rempli de bière et de pitounes", ou le paradis, parce que "les anges ressemblent à des tapettes". Le monologue sur le cours de sacres qu’on devrait donner aux étrangers arrivant au Québec est un bon exemple de nivellement culturel par le bas.

Ironiquement, en caricaturant les autres dans son premier solo Les Nouvelles valeurs, François Morency parlait davantage de lui…

Jusqu’au 20 octobre
Au Monument-National