Lise Dion : Un air de famille
Au Québec, les humoristes sont des membres de la famille.
Au Québec, les humoristes sont des membres de la famille. On plébiscite moins les originaux qui se singularisent que ceux qui se fondent dans la masse des Québécois ordinaires, en qui l’on reconnaît un reflet un peu grossi de nous-mêmes. Pas étonnant que Lise Dion, sympathique mère de famille, ex-vendeuse chez Dunkin’ Donuts qui a bûché fort pour réussir, soit l’une des favorites du public – elle a déjà vendu 100 000 billets!
C’est cet accent familial et familier qu’on retrouve d’emblée dans le second one woman show de l’humoriste, au Théâtre Saint-Denis (malgré l’emballage très high-tech du décor). Après deux années loin des siens, une Lise Dion au "look rénové" parle de son chum – un peu malmené, comme il se doit -; des ados qui ne décollent de la maison que pour mieux y revenir; de sa maison; des relations de couple, beaucoup.
"Les gens se retrouvent à travers elle", comme l’écrit son metteur en scène et coauteur, François Léveillée. Difficile en effet de ne pas se reconnaître un peu dans la familiarité caricaturale de sa séance chez le dentiste, ou de ses problèmes d’attardée technologique avec l’ordinateur. D’autant que Lise Dion sait donner aux spectateurs – qui rigolaient ferme, le soir de la première – ce qu’ils réclament: en entrevue à La Presse, elle avouait candidement avoir commandé une étude de marché afin de "connaître les intérêts du public"! Rendu là, on n’est plus dans une démarche artistique, mais dans le marketing d’un produit…
La seule vraie audace de ce spectacle basé sur un humour quotidien, et mince en contenu, c’est ce numéro où une Lise Dion voilée de la tête aux pieds dénonce le triste sort des Afghanes. Une idée méritoire, malgré cette douteuse manie d’affubler le dénommé Rachid de divers sobriquets d’arachides! Encore que ce texte – que l’humoriste avait d’abord décidé de retirer, avant de se raviser – paraît enfoncer une porte ouverte, maintenant que le Québécois moyen entend parler tous les jours du régime oppressif des talibans…
Autrement, le spectacle navigue entre des hauts et des bas. Il faut voir sa savoureuse parodie, "à la manière de Michel Tremblay", d’une Juliette fumant et beuglant, qui remet son Roméo à sa place… D’autre part, il est déprimant de constater que les blagues faciles sur le choc culturel de la Québécoise qui débarque à Paris font toujours recette. On se croirait revenu 20 ans en arrière…
Il faut admettre que si la finesse n’est pas au rendez-vous, c’est souvent efficace. L’humoriste campe bien la femme de plus en plus ivre, se fait volontiers salace, jouant la divorcée qui traîne dans son sac son nouveau compagnon: un vibrateur.
Mais le meilleur du show loge dans les détournements de chansons, où Dion marie airs connus et paroles anodines. Un contraste désopilant: qu’elle traite de ses rideaux avec le timbre grave d’Éric Lapointe, de sa piscine à la façon de Lara Fabian, ou mieux encore, de la recherche du point G avec la voix de la Reno: "Un peu plus haut, un peu plus loin"…
Avec sa forte présence, sa prestation énergique, sa truculence physique et sa voix à l’ample coffre, Lise Dion finirait probablement par vaincre les résistances du plus endurci. On pardonne même à la Ginette Reno de l’humour les limites de son matériel…
Jusqu’au 20 octobre
En supplémentaires du 6 au 10 novembre
Au Théâtre Saint-Denis 1
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