La Dame de pique : Plein aux as
Scène

La Dame de pique : Plein aux as

La création par les Grands Ballets Canadiens de La Dame de pique se révèle un des grands moments de la rentrée culturelle, que les amateurs de danse contemporaine auraient tort de  bouder.

C’est une création réussie que nous livrent ces jours-ci les Grands Ballets Canadiens de Montréal. Ouvre commandée par le directeur artistique Gradimir Pankov au Danois Kim Brandstrup, La Dame de pique n’hésite pas à utiliser les artifices du cinéma. Cela aurait pu être racoleur. Eh bien non! Le chorégraphe a su tirer son épingle du jeu en conjuguant avec finesse modernité et classicisme.

Inspiré d’une nouvelle écrite par l’écrivain russe Alexandre Pouchkine, au milieu du XIXe siècle, le ballet de Brandstrup se transporte tantôt à l’époque opulente des tsars, tantôt à l’époque difficile de Staline. Un soldat russe séduit la dame de compagnie d’une vieille comtesse, en vue de lui soutirer un secret. Il s’agit en fait d’une combinaison qui permettra à l’ambitieux jeune homme de gagner aux cartes et, du coup, de s’élever à un rang social supérieur. Comme tout ballet classique qui se respecte, les événements se termineront sur une note dramatique. On retiendra de ce drame romantique qu’à trop vouloir se laisser guider par ses désirs, on risque de courir tout droit à sa perte.

En comparaison avec Carmen, la dernière adaptation d’un opéra chez les GBCM, la production actuelle semble, à première vue, manquer de sex-appeal. Ici, pas de musique rock & roll ni de scènes soi-disant torrides pour nous séduire. En lieu et place, la promesse d’une utilisation inédite du support vidéo et d’imagerie pour créer des décors virtuels. Avec une telle histoire et une telle manipulation d’images, qu’est-ce qu’on allait s’embêter, redoutait-on… Or, surprise, la clarté de l’action, la délicatesse des mouvements, l’agréable musique et, surtout, la sobriété de l’esthétisme nous harponnent tout au long du ballet.

Kim Brandstrup déclarait en entrevue s’être amusé comme un petit fou à la création de La Dame de pique. On le croit sans peine. Avec un budget de presque trois quarts de million de dollars- du jamais vu dans l’histoire des GBCM -, le chorégraphe, qui est également cinéaste, multiplie les effets spéciaux. Heureusement, ceux-ci viennent appuyer la dimension nostalgique et dramatique de ce ballet en sept actes au lieu de lui porter ombrage. Par exemple, dans l’une des premières scènes, les protagonistes se courtisent à l’ombre d’un gros arbre virtuel. Dans une autre, ils se rencontrent sous un pont envahi par la brume, lequel se transformera rapidement en eaux sombres. Il y a aussi cette séquence dans laquelle la comtesse se perd dans ses souvenirs de jeunesse. On voit alors la silhouette virtuelle d’une jeune fille danser gracieusement au-dessus de la vieille dame.

Mais l’emploi intelligent du multimédia ne justifie pas à lui seul le déplacement. Les magnifiques lumières, quoique sombres, de John Munro ajoutent à la beauté des décors et des costumes. Spécialiste de l’accompagnement musical du cinéma muet, le compositeur québécois Gabriel Thibaudeau a su insuffler une touche mélodieuse aux airs de Tchaïkovski, allant même jusqu’à recourir à l’usage de l’accordéon. Le rythme de la musique et des changements de décors intensifie encore plus l’impression d’avoir affaire à une oeuvre cinématographique.

Enfin, les mouvements de Brandstrup sont conçus dans le respect de la tradition du ballet classique: de grands élans majestueux, des corps légers et fluides qui virevoltent, sautillent et rebondissent comme s’il n’y avait rien de plus naturel. Le chorégraphe, qui semble adorer la pureté du langage classique, se paie même le luxe d’introduire une scène de ballet du XIXe siècle avec pointes et tutus. C’est justifié, et fort bien défendu par la troupe, comme pour le reste de l’oeuvre.

Bref, La Dame de pique se révèle un bon moment que les amateurs de danse contemporaine auraient tort de bouder.

Jusqu’au 27 octobre
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts

Humour musclé à Tangente
Sara Porter a bourlingué à travers le Canada et l’Europe avant de s’installer à Toronto. Signataire d’une dizaine de pièces, la chorégraphe nous propose ce week-end, à Tangente, un trio inédit, humoristique et énergique, à mi-chemin entre l’art acrobatique, l’humour de cirque et la danse contemporaine. Indestructible Dances est d’autant plus intéressante que la pièce évolue sur des musiques de Ray Charles, Elvis Presley et Patsy Cline.

Joe Hiscott a dansé pour William Douglas et Lynda Gaudreau. Depuis quelques années, elle nous livre des créations personnelles. En deuxième partie du programme de Tangente, elle offrira une performance techno qui questionne l’inconnu. À voir.

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