Venise : Vague à l'âme
Scène

Venise : Vague à l’âme

Jusqu’au 3 novembre, dans la salle intime du Théâtre Prospero, la compagnie Irria présente Venise, de Paul Pourveur, un déroutant solo interprété par Marie-Ève  Bertrand.

En fondant Irria, les techniciens de scène François Pilotte, Dominique Ithurriague et Philippe Dupeyroux ont voulu se donner les moyens de leurs ambitions, de manière à travailler exclusivement sur des textes qui les allument, "qui correspondent à nos aspirations", disent-ils. Jusqu’au 3 novembre, dans la salle intime du Théâtre Prospero, la compagnie présente Venise, de Paul Pourveur, un déroutant solo interprété par Marie-Ève Bertrand.

Disons-le d’emblée, le théâtre de la rue Ontario est cruellement désert ces jours-ci. Je m’y suis rendue deux soirs d’affilée, d’abord pour Elle de Jean Genet, puis pour Venise, et j’y ai vu à peine 10 spectateurs. Assis en compagnie des concepteurs du spectacle dans une salle qui autrement serait vide, on croirait assister à une répétition! Le Venise adroitement mis en scène par Jean Antoine Charest a pourtant tout ce qu’il faut pour satisfaire l’amateur de shows hors norme, prêt à se laisser porter par un torrent de mots qui mêle quêtes scientifique et métaphysique…

Le Belge Paul Pourveur aurait été frappé par la grâce lors de la représentation d’une pièce d’Heiner Müller. Depuis, il écrit des pièces éclatées sans intrigues, convaincu qu’une montagne d’informations et d’événements sans queue ni tête rend le spectateur plus actif qu’une histoire. Ses étranges constructions intellectuelles ont trouvé une interprète sensible en la personne de Marie-Ève Bertrand, une diplômée du Conservatoire d’art dramatique révélée dans le film Mariages, de Catherine Martin.

La pièce s’amorce par une question – "Tu me demandes si je suis Marilyn Monroe?" – et se termine par une réplique qui nous révèle le sens de son titre. Entre les deux, une heure quinze de dense soliloque sur l’ADN, la digestion, les virus, l’hérédité. L’histoire d’une femme-enfant en colère qui, comme la Bérénice de Ducharme, est convaincue que "tout ce qui pénètre [son] corps est ennemi". Un voyage à l’intérieur de la machine humaine qui a le mérite de ne ressembler à rien d’autre.

On retiendra surtout de cette expérience théâtrale la performance de Marie-Ève Bertrand, aux prises avec un texte difficile qui demande de grands efforts de concentration, tant à l’actrice qu’aux spectateurs. Englouti par les mots que fait furieusement déferler Pourveur, l’esprit est tenté de partir à la dérive…

Jusqu’au 3 novembre
Salle intime du Théâtre Prospero