Vincent Bilodeau : La revanche du destin
Scène

Vincent Bilodeau : La revanche du destin

Lorsque Vincent Bilodeau a remporté, en février dernier, le Masque de l’interprétation masculine pour La Fin de la civilisation, on aurait pu voir là une douce revanche du  destin.

Lorsque Vincent Bilodeau a remporté, en février dernier, le Masque de l’interprétation masculine pour La Fin de la civilisation, on aurait pu voir là une douce revanche du destin. À la première édition des Masques, il y a sept ans, le comédien avait été incapable de regarder le gala au petit écran. "Ça me faisait trop de peine de ne pas être de la fête: il y avait trois ans que je n’avais pas joué au théâtre."

La trentaine a, en effet, été un long passage à vide pour ce sympathique comédien. "J’ai refusé des offres de gens à qui ce n’était pas très politique de dire non; et j’ai accepté des rôles qui n’étaient pas pour moi", explique Vincent Bilodeau.

Il y avait aussi une question de casting. À l’école de théâtre, on avait prédit au blondinet filiforme que, malgré son talent, il ne travaillerait pas avant l’âge de 45 ans… "J’avais l’air d’un jeune premier, mais les personnages d’autorité, plus torturés, ou même les rôles comiques, étaient plus proches de mon tempérament. Et quand j’ai perdu mon image de jeune premier, il n’y avait plus de rôles pour moi, parce que les gens avaient de la misère à m’imaginer autrement. C’est très difficile de faire changer notre image dans la tête des producteurs et des metteurs en scène – mais ces derniers sont plus ouverts, aujourd’hui. Je gagnais ma vie, mais je n’ai pas pu exercer ma passion pendant longtemps. Ç’a été très dur."

Plus maintenant. Son incarnation primée du désespéré Henry a dévoilé la face cachée de Vincent Bilodeau, que sa bonhomie cantonnait surtout dans les comédies légères, à une époque. "On est toujours virtuels, nous les acteurs. On est ce qu’on nous donne à faire." Depuis, le septième art l’a découvert (lui qui n’avait jamais fait de cinéma a enfilé quatre films en un an et demi, dont Un crabe dans la tête), et le théâtre lui offre des rôles plus riches, comme le Prospero de La Tempête, qu’il jouera au Gesù en novembre.

Interprétée notamment par Marthe Turgeon, Yves Soutière et Caroline Lavigne ("une équipe magnifique, au sein de laquelle se développe vraiment une osmose"), la pièce montée par Yvon Bilodeau est la troisième collaboration avec le Théâtre Longue Vue, mais le premier Shakespeare, de ce comédien qui rêve de jouer Lear – quand il aura "92 ans"!

En attendant, il a trouvé, chez le magicien qui commande aux éléments, "la passion et la raison, dans un même personnage. Ce que j’aime chez Prospero, c’est que je peux exploiter et le côté comique, et la dimension très torturée de cet homme qui philosophe sur la fin du monde et qui exerce sa vengeance. Je suis contre les visions manichéennes. Je cherche les personnages le plus complexes possible. Plus un rôle exige de choses bizarres à jouer, plus j’aime ça! C’est un exutoire, aussi. J’ai des pulsions très extrêmes, et je peux les extérioriser dans l’art. Avec Prospero, je peux manifester des choses que je ne pourrais pas exprimer dans la vie: je passerais pour un fou"! (rires)

Le passage du temps a donc été bénéfique pour Vincent Bilodeau. "Ce qui reste le plus difficile à atteindre, c’est la disponibilité totale, la vulnérabilité. Il faut avoir confiance en soi pour s’abandonner, et se laisser porter par les personnages. Jeune, je jouais les personnages, au lieu d’en être l’instrument. Je suis un acteur plus humble maintenant, mais beaucoup plus sûr de moi."

Au Gesù
Du 1er novembre au 1er décembre