Yvan Bienvenue : Les choses de la vie

C’est à croire qu’il n’arrête jamais. Il ne faut pas se laisser induire en erreur par son allure bohème, Yvan Bienvenue est à lui seul une véritable PME de la dramaturgie, à la fois auteur prolifique, catalyseur d’idées et initiateur de projets. Avant la présentation de ses traditionnels Contes urbains, en décembre prochain, trois courtes pièces du directeur artistique et cofondateur du Théâtre Urbi et Orbi, réunies sous le titre De la vie, entre autres choses, seront mises en scène par Antoine Laprise, à la salle Fred-Barry. Ces nouveaux portraits de la folie ordinaire ont pour toile de fond le meurtre, la folie, la vieillesse et la maladie. Bienvenue dans l’univers sombre d’Yvan le terrible…

Le dramaturge a décidé de se consacrer davantage au théâtre et a fondé il y a quelques mois une nouvelle compagnie: Logos conterie, dorénavant responsable de la production des Contes urbains. Urbi et Orbi présentera l’an prochain une création de Jean-François Caron, et compte maintenir le rythme d’une création théâtrale par an, en plus de projets collectifs, dont le premier devrait impliquer une centaine d’auteurs, annonce l’infatigable organisateur.

Le secret de l’efficacité d’Yvan Bienvenue réside peut-être dans l’intemporalité de ses textes, qu’il peut mettre dans un tiroir puis ressortir au moment opportun. Ainsi, les pièces qui composent De la vie, entre autres choses avaient été écrites dans les années 90, en vue d’une diffusion sur les ondes de Radio-Canada. "C’est en répétition que nous nous sommes rendu compte que ces portraits de gens plus ou moins mal pris étaient encore plus pertinents qu’on ne le croyait au départ, grâce à leur humanité, leur emprise sur le réel."

La première pièce s’inspire de la triste fin du comédien Richard Niquette, poignardé à mort par deux jeunes prostitués. Exception à la manière Bienvenue: cette fois, nous aurons droit au point de vue des assassins, et non de la victime. La nuit où ils ont tué le comédien débute par une séance de bitcheries dans un bar de travestis, avant de se transporter dans un bloc-appartements de l’Est où l’acteur moustachu jouera sa dernière scène… Claude et Mussolini met en scène un poète, arrêté dans un cimetière, couvert de terre. La soirée se termine avec Mélodrame, une pièce à l’origine d’un conte urbain, interprété l’an dernier par Louison Danis. C’est l’histoire d’une vieille dame qui ne peut se résoudre à se séparer de son fils déficient intellectuel.

Cinq interprètes se partageront les rôles, soit Francine Beaudry, Jean-Guy Bouchard, Paul-Patrick Charbonneau, Martin Desgagné et Caroline Lavoie. Yvan Bienvenue se dit très heureux de participer au baptême montréalais de mise en scène d’Antoine Laprise, qui fait pour l’occasion un double saut: de la marionnette à l’être humain, et de Québec à Montréal. L’ex-concurrent de La Course destination monde et cofondateur du Théâtre du Sous-Marin Jaune a fait excellente impression avec ses versions pour pantins de Candide et de la Bible. Espérons qu’il aura autant de doigté quand il s’agira d’humains, puisqu’il a déjà été recruté pour diriger la prochaine création de Jean-François Caron…

Fasciné par les petites choses de la vie, Yvan Bienvenue n’a pas fini de nous tordre le coeur avec ses histoires. L’auteur d’expérience s’étonne toutefois de la difficulté de faire carrière sur une longue période et du peu de reconnaissance manifesté envers la "matière grise". "Les subventionneurs veulent que l’on collabore avec la relève à tout prix. Je n’ai rien contre, mais que deviennent nos auteurs de 40 ou 50 ans? C’est bien beau, le renouveau, mais un dramaturge quinquagénaire peut écrire quelque chose de brillant et de neuf. Beckett et Goethe n’ont pas créé leurs chefs-d’oeuvre à 20 ans! Le génie n’est pas toujours instantané…"

Du 30 octobre au 24 novembre
Salle Fred-Barry