Larry Tremblay : Corps et âme
Scène

Larry Tremblay : Corps et âme

Le théâtre québécois a la cote à l’étranger. Après Michel Tremblay, au premier rang, mais aussi les Bouchard, Chaurette, Danis, Caron, Lebeau, Laberge et Fréchette, LARRY TREMBLAY est en voie de devenir l’un des auteurs québécois les plus exportés. En témoigne son dernier opus, Le Ventriloque, produit à la fois en France, en Belgique et au Québec.

Larry Tremblay est sûrement le plus intello de nos dramaturges. Pas que nos auteurs soient des deux de pique. Loin de là! Mais jamais Normand Chaurette, Michel Marc Bouchard, Daniel Danis et même René-Daniel Dubois n’évoqueraient, en entrevue, le philosophe français Gaston Bachelard, pour faire la promotion de leurs pièces…

Or, l’auteur de The Drangonfly of Chicoutimi admet que son théâtre porte l’influence des théories sur l’imagination poétique et la matière naturelle de Bachelard, entre autres choses. "Mon théâtre est métaphysique quelque part, dit-il. Car il englobe le politique, profondément, et aussi le psychologique, le social, le poétique, l’intimiste. Il offre plusieurs couches de sens… Mes pièces abordent donc beaucoup de sujets sans offrir de thèmes précis. Mais je ne veux pas faire pour autant un théâtre opaque, hermétique. Le texte doit générer une forme ludique."

Larry Tremblay est écrivain, acteur, metteur en scène, professeur au Département de théâtre de l’UQÀM, et grand voyageur devant l’Éternel. Mais de toutes ces diverses occupations, la première le comble plus que tout. "Ma grande passion, c’est l’écriture; ma deuxième, c’est le théâtre, reconnaît l’auteur. Et quand j’ai découvert le kathakali (le théâtre dansé et sacré de l’Inde, NDLR), cela m’a permis de voyager dans mon propre corps, en plus de m’ouvrir à la mythologie indienne. Ces deux passions, écriture et kathakali, me forcent à m’interroger constamment et à créer des textes qui soulèvent de multiples questions. Mes pièces sont souvent basées sur des ruptures de ton. Elles vont dans toutes les directions, et contiennent peu de repères émotifs."

De Jean-Louis Millette (The Drangonfly of Chicoutimi) à Carl Béchard (Ogre), en passant par Sylvie Drapeau (Princesse dans Les Mains bleues), les interprètes qui défendent les personnages créés par Larry Tremblay relèvent donc tout un défi. Sa dernière pièce, Le Ventriloque (publiée aux Éditions Lansman), représente encore un grand défi de jeu. Dans la production du PàP, qui sera à l’affiche du 9 novembre au 8 décembre, c’est à la comédienne Nathalie Mallette que revient l’honneur de donner chair à l’imaginaire de cet auteur qui a développé la technique de jeu de "l’anatomie ludique" dans le cours qu’il donne à la maîtrise à l’UQAM.

Créée en avril dernier à Paris, au Théâtre international de la langue française, dans une mise en scène de Gabriel Garran, Le Ventriloque est présentée simultanément cet automne à Bruxelles, au Nouveau Théâtre du Méridien, dans une mise en scène de Myriam Youssef; et à Montréal, au Théâtre Espace Go, dans une mise en scène de Claude Poissant.

Le communiqué de presse du PàP résume ainsi l’histoire du Ventriloque: "Pour ses 16 ans, Gaby Létourneau (Nathalie Mallette) exige un stylo de marque Parker et découvre que tout ce qu’elle écrit se réalise par la suite. Elle décide d’écrire le plus beau roman du monde. Son frère Aurélien, jaloux, s’enfuit avec son livre en Afrique. Son corps est retrouvé affreusement mutilé, et sa langue a disparu. Qui a tué Aurélien? Plusieurs années s’écoulent. Depuis la mort de son frère, Gaby souffre d’un blocage: elle n’arrive plus à écrire une seule ligne. Elle prend rendez-vous avec le docteur Limestone dont l’approche thérapeutique est célèbre. Gaby va-t-elle retrouver l’inspiration?"

"Le Ventriloque est venue d’un souci quant au jeu de l’acteur et, plus tard, des interrogations relativement au processus de création", explique Larry Tremblay. Ce dernier qualifie son style de "lucide et fantaisiste", laissant la place à l’inconscient ainsi qu’à l’imaginaire. "Le piège au théâtre, dit-il, c’est de tomber tout de suite dans un état émotionnel qui aplatit l’imaginaire. Ça ne donne qu’un sens à la scène. Pour moi, l’émotion au théâtre, c’est comme un rouleau compresseur. L’émotion est utile si elle est bien dosée sur la scène.

"Finalement, je pense qu’un artiste creuse toujours le même sillon; c’est un monomaniaque. Si je n’écris pas de pièces thématiques, si mes oeuvres demeurent mystérieuses aux yeux de certains, la problématique de l’identité traverse tout mon théâtre, et on la retrouve dès le début du Ventriloque, qui s’ouvre, justement, sur un numéro de ventriloquie."

Autour de Nathalie Mallette, on retrouvera Frédéric Desager, Nathalie Claude et Daniel Parent. Le décor et les accessoires sont de Jean Bard. La musique originale est une conception sonore de Jean Derome, et les éclairages sont signés Nicolas Descôteaux.

Du 9 novembre au 8 décembre
Au Théâtre Espace Go