Scènes d’intérieur : Pouvoir intime
Sylvain Émard appartient à cette catégorie de chorégraphes qui refusent de renouveler à tout prix leur style à chaque nouveau spectacle.
Sylvain Émard
appartient à cette catégorie de chorégraphes qui refusent de renouveler à tout prix leur style à chaque nouveau spectacle. Avec lui, on est sûr d’assister à de la belle danse pure. Son nouveau cru, Scènes d’intérieur, ne fait pas exception à la règle. Mais attention, l’artiste qui compte plus de 20 ans de métier ne dort pas pour autant sur ses lauriers. C’est dans la texture des mouvements et de la scénographie qu’on découvre de subtils changements.
Ainsi, pour sa nouvelle création, on s’attendait à un univers mélancolique dans lequel les protagonistes allaient se poursuivre, se cramponner à leur partenaire et se repousser. Or, la danse de Sylvain Émard n’a jamais été aussi lumineuse. Il est toujours question ici de la nécessité des autres, sauf que les duos ou les mouvements de groupe expriment ce besoin sans donner l’impression de porter un poids lourd. Il nous arrive même de sourire à l’occasion. Comme cette séquence au cours de laquelle la troupe exécute une sorte de danse en ligne. Comme si le chorégraphe était enfin parvenu à se défaire de ses tourments existentiels afin de laisser toute la place à un sentiment de bien-être. Enfin, presque.
Parce que du Émard, ça reste du Émard. Composé de mille petits gestes, son langage du corps se concentre surtout dans des mouvements rompus du tronc et des bras. Comme toujours, il nous envoûte par sa rigueur et sa précision. Et comme d’habitude, il a fait appel à six solides interprètes pour défendre son oeuvre. Chacun nous livre une part de son intimité sur la scène et par la vidéo. Seule la présence aérienne de Sandra Lapierre se détache du lot. Dommage toutefois que Marc Boivin, le geste pourtant toujours précis, se confine encore une fois dans une prestation sérieuse et mélancolique.
Enfin, les décors sobres de Richard Lacroix ainsi que la musique fournie et étrange de Michel F. Côté s’inscrivent naturellement dans la démarche du chorégraphe. Les images en temps réel se glissent également parmi les scènes chorégraphiques sans en ralentir le rythme. Et, comme d’habitude, le seul reproche à formuler à Sylvain Émard se résume à ceci: à trop vouloir polir les mouvements – 18 mois de travail! -, il en atténue l’audace, qui nous aurait conquis définitivement.
Jusqu’au 3 novembre
À l’Agora de la danse