Titanica : Et vogue le navire
Scène

Titanica : Et vogue le navire

Il existe une seule bonne raison d’aller, ces-jours-ci, au Théâtre d’Aujourd’hui: le public y retrouvera, avec bonheur, la grande qualité des comédiens québécois.

Il existe une seule bonne raison d’aller, ces-jours-ci, au Théâtre d’Aujourd’hui: le public y retrouvera, avec bonheur, la grande qualité des comédiens québécois. Car il faut beaucoup de générosité et de talent pour s’embarquer dans une telle galère, en évitant, de justesse, le naufrage. Je salue donc les Andrée Lachapelle, Gérard Poirier, James Hyndman, Dominique Quesnel, Violette Chauveau, Stéphane Simard et Frédérique Collin qui, aidés par le metteur en scène René Richard Cyr, réussissent à donner un sens à un texte sans queue ni tête.

Avec Titanica, la robe des grands combats, Edmund C. Asher, Londres, 1968 (hé oui! c’est le titre), Sébastien Harrisson, un jeune auteur non dépourvu de talent, livre davantage un exercice de style qu’une oeuvre achevée. À tout le moins, ce texte décousu, prétentieux, naïf, qui multiplie les symboles inutilement, ce texte, dis-je, ne méritait pas une production de cette envergure (16 comédiens sur scène – dont de grosses pointures – en plus d’un travail de conception assez énorme). Qu’un homme de théâtre aussi intelligent que René Richard Cyr ait décidé qu’il devait monter cette pièce toute affaire cessante, cela me dépasse. D’autant plus que la précédente création de Harrisson, Floes, n’avait pas marché.

À mon avis, le directeur artistique du Théâtre d’Aujourd’hui lui aurait davantage rendu service en commandant un nouveau texte au dramaturge. Car avec Titanica, cet auteur de la relève ne parvient pas à nous faire pénétrer dans son univers baroque. Son histoire, impossible à résumer, se passe sur les docks de Londres et au palais de Buckingham. Au premier endroit, on croise une bande de jeunes rebelles, un idéaliste américain, un disc-jockey; et dans le second, on retrouve la reine, sa servante et son porte-parole. À ces personnages contemporains se mêlent les fantômes de figures historiques (Édouard II, la reine Isabelle) ainsi qu’une sculpture vivante (Titanica); cet homme portant une robe métallique en décomposition est incarné avec brio par James Hyndman. Dans son interprétation décadente, judicieusement maniérée, on perçoit Madame des Bonnes. Sans le contenu dramatique de Genet, hélas.

Dans le programme, on peut lire que l’auteur "aime les contrastes". En effet, Titanica les accumule ad nauseam: pureté et perversion; noblesse et bas-fonds; tradition et révolution; beauté et laideur; ombre et lumière, etc., etc. Le problème, c’est qu’une pièce ne se construit pas sur des contrastes, mais sur un récit. Il peut être éclaté, bien sûr, mais il doit être saisissable. Et ce n’est pas la morale du jeune, qui a peur de l’avenir et qui a "une soif incontrôlable de tout dire" (voir le monologue final), qui sauve la mise. À vouloir tout dire, on ne dit plus rien…

Finalement, avec ce texte qui ferait perdre le nord à une boussole, René Richard Cyr a signé une production divertissante (il y a aussi de l’humour dans cette histoire). Malgré un jeu très inégal (Yves Amyot joue son dur à cuire sur une émotion seulement; Évelyne Rompré est fausse du début à la fin) et une musique techno omniprésente (même quand l’action se situe dans les appartements de la reine!), Titanica plaira aux amateurs de théâtre novateur et esthétisant.

Pour les autres, passez votre tour…

Jusqu’au 17 novembre
Au Théâtre d’Aujourd’hui