La Tempête : Classique et sans surprises
Près de 400 ans après que les éléments ont été déclenchés une première fois, c’est une bien sage Tempête qui prend d’assaut le Gesù.
La comédie fantastique du grand dramaturge, présentée par la compagnie de théâtre Longue Vue, est pourtant portée par une talentueuse distribution, que mène efficacement le metteur en scène Yvon Bilodeau. Mais le regroupement, qui veut faire découvrir le théâtre de répertoire aux adolescents, a choisi de monter Shakespeare by the book (ou presque, le roi étant devenu une reine), sans chercher à soulever de vagues, ni à créer de remous…
La Tempête raconte la douce vengeance de Prospero, duc de Milan floué par un frère qui lui offre un aller simple sur les flots, en direction de la mort. Heureusement, les forces naturelles sont avec notre homme et sa fillette, dont l’embarcation s’échoue sur une île enchantée, habitée par un esprit bienveillant, Ariel, et par le fils d’une sorcière difforme, Caliban, dont ils feront leur esclave. Un jour, le bateau de la famille royale s’aventure à proximité de l’île. Prospéro en profite pour faire danser la mer et chavirer le navire. L’arrivée des rescapés sonne l’heure de la revanche pour le vieux magicien et sa fille Miranda.
Les huit interprètes (parmi lesquels plusieurs visages connus du petit écran) s’acquittent honnêtement de leur tâche, brillant plus spécialement dans les scènes comiques. Sous la cape du magicien, Vincent Bilodeau navigue avec aisance entre l’euphorie et la colère, lui qui a démontré dans La Fin de la civilisation qu’il pouvait exceller dans les rôles torturés. On aurait toutefois souhaité son Prospero plus majestueux, plus imposant encore. Sous le masque du répugnant Caliban, Luc Senay est hilarant avec sa démarche claudicante, tandis qu’il faut aussi souligner le bon travail accompli par Marthe Turgeon, Frédéric Angers, Yves Soutière, Thomas Graton, Louis Gagné et Caroline Lavigne, qui compose une fraîche Miranda.
Le concepteur Vincent Lefèvre a opté pour une scénographie toute simple, plantant sur scène de longs tubes verticaux, que les comédiens utilisent comme percussions, à la manière du groupe Tuyo dans les Contes urbains d’Yvan Bienvenue. Déjà vu, mais efficace. De plus, le comédien-musicien Louis Gagné ponctue l’action de quelques solos de batterie bien sentis. Ceci dit, on est loin de l’audace d’autres Tempête montées au Québec (avec plus de moyens), dont la production de Robert Lepage accompagnée de projections 3-D et traduite par Normand Chaurette (le Théâtre Longue Vue a préféré la version classique et un peu vieillotte de François-Victor Hugo) ou celle d’Alice Ronfard, qui confiait le rôle du grand magicien à une femme, Françoise Faucher.
Classique et sans surprises, la production du Théâtre Longue Vue mise d’abord et avant tout sur la force du texte de Shakespeare. Un pari risqué: au bout de quelques minutes seulement, il y avait plus d’action dans la salle que sur scène, les jeunes spectateurs s’interpellant et s’échangeant des bonbons d’Halloween sans se soucier des déboires de Prospero et compagnie! Le metteur en scène devra grimper sur les planches, à l’entracte, pour rappeler à l’assistance qu’elle n’est pas au cinéma et que les comédiens peinent à se concentrer dans ce brouhaha. Depuis six ans, Longue Vue s’entête à monter des oeuvres classiques, malgré un manque flagrant de ressources financières. L’initiative est louable, certes, mais on peut se demander si des pièces contemporaines, ou au minimum des mises en scène moins conventionnelles, allumeraient davantage un public qu’il est navrant de voir découvrir, si jeune, qu’au théâtre, le diable, c’est l’ennui…
Jusqu’au 1er décembre
Au Gesù