Critique : Boudin, révolte et camembert
Scène

Critique : Boudin, révolte et camembert

À la charcuterie de Monsieur Schreiber, on travaille fort: affluence, efficacité, propreté.

Jusqu’au 1er décembre
À La Bordée

À la charcuterie de Monsieur Schreiber, on travaille fort: affluence, efficacité, propreté. Pourtant, on y sent, dès le début, un climat tendu: frictions, conditions de travail difficiles, marchandise de qualité parfois douteuse, propriétaire sans scrupule, qui ne pense qu’à son profit – ou presque. Ajoutons à cela une gérante nourrissant secrètement une flamme pour son patron depuis près de 20 ans, et tout y est pour brosser, de l’intérieur, le portrait d’un drôle de commerce.

Comptoirs, balances, tranches et, bien sûr, viandes et fromages, sans oublier le service à numéro, forment le décor réaliste (Denis Denoncourt). La scénographie nous fait entrer dans une charcuterie bien tenue, donnant au spectateur le point de vue de celui qui est à l’intérieur de la boutique; c’est aussi ce que fait le texte de Boudin, révolte et camembert d’Isabelle Hubert.

Faite d’une série de plusieurs tableaux, la pièce roule à un rythme rapide. Si la réussite des scènes n’est pas tout à fait constante, le texte est servi – sans jeu de mots – par des comédiens en forme, au jeu assez homogène, surtout à mesure que progresse la pièce. À souligner, l’interprétation de Guy-Daniel Tremblay, jouant très honorablement le rôle de Schreiber, qu’incarnait jusqu’à une semaine de la première John Applin, et celle de Marie-Ginette Guay, excellente: elle incarne la gérante, personnage peu sympathique, un peu irritant, qu’elle parvient toutefois à rendre attachant et même, par moments, pathétique. À retenir, aussi, quelques scènes d’anthologie: Olivier (Jean-Sébastien Ouellette), personnage lymphatique, apprenant – à grand renfort de pâtes – à devenir tourneur de pizza, et l’enthousiasme délirant de Mme Tourtrelle (Marie-Ginette Guay), à l’annonce, par son patron, d’une bonne nouvelle.

La mise en scène de Richard Aubé est énergique, presque chorégraphiée par moments. Entre les tableaux s’intercalent de brefs intermèdes sur fond musical, sortes de danses ou pantomimes des acteurs. Inégalement réussies, ces pauses, dans lesquelles même les comédiens ne semblent pas toujours à l’aise, rompent le rythme, changent le ton et parfois, agacent un peu, même s’ils participent au climat de légèreté et de caricature de l’ensemble.

Quant au contenu, il amuse, présentant une image satirique des relations de travail et de l’opportunisme, le tout traité sur un mode comique, à travers des personnages bien dessinés. Et l’idée imaginée par l’auteur pour symboliser l’exploitation est bien trouvée, et grinçante à souhait, avouons-le. Pourtant, l’impression persiste qu’il manque quelque chose à cette pièce pour que, tout en divertissant, elle fasse réfléchir davantage à un sujet, somme toute, assez sérieux.