Les Trois Mousquetaires : Épique époque
Coïncidence ou mandat artistique? Depuis qu’il veille à la programmation du Théâtre Denise-Pelletier, Pierre Rousseau propose souvent à son public, formé en grande partie d’adolescents, des récits initiatiques avec de jeunes héros résistant au conformisme du monde adulte.
Coïncidence ou mandat artistique? Depuis qu’il veille à la programmation du Théâtre Denise-Pelletier, Pierre Rousseau propose souvent à son public, formé en grande partie d’adolescents, des récits initiatiques avec de jeunes héros résistant au conformisme du monde adulte. D’Ionesco (Jacques ou la soumission) à Réjean Ducharme (le collage de ses textes À quelle heure on meurt?), le directeur aime programmer des pièces où l’idéalisme et la pureté des sentiments s’opposent à la corruption et au mal.
Avec l’oeuvre majeure et universelle d’Alexandre Dumas père, Les Trois Mousquetaires, Pierre Rousseau a choisi une histoire et, surtout, une figure représentant avec fougue et passion cet idéal de liberté et de jeunesse, celle de D’Artagnan, le plus illustre des mousquetaires.
En 1849, cinq ans après la parution de son roman historique (le premier ouvrage à être publié en feuilleton dans les journaux français), Alexandre Dumas a conçu une version scénique avec Auguste Maquet. Mais cette mouture du roman semblait "pesante et ampoulée" aux artisans de la production actuellement à l’affiche. Rousseau et le metteur en scène Fernand Rainville ont donc demandé à l’auteur Pierre-Yves Lemieux de signer une nouvelle adaptation des Trois Mousquetaires pour le public du Théâtre Denise-Pelletier.
Cette adaptation a le mérite de clarifier et de condenser une histoire démesurée (le roman de Dumas s’étale sur sept tomes!) aux moult rebondissements. Les Trois Mousquetaires, c’est du théâtre épique à son meilleur, avec beaucoup d’action, de personnages et de lieux; avec aussi des duels, des rixes et des guerres; mais également des intrigues amoureuses et politiques, des querelles religieuses et de sombres complots.
Débarquant en 1625 de sa Gascogne natale, D’Artagnan va rapidement conquérir Paris et se retrouver, après un duel, membre de la confrérie des mousquetaires sous le règne du roi Louis XIII. Ébranlé par de graves crises, le roi est conseillé par le cardinal de Richelieu, un homme redouté dans toute la France, qui, en fait, exerce véritablement le pouvoir. Ajoutez aux tractations géopolitiques l’amour caché de la reine de France, Anne d’Autriche, pour le duc de Buckingham, l’homme de confiance du roi d’Angleterre Charles 1er… en voilà assez pour que le jeune Gascon et ses compagnons soient mêlés à des affaires d’espionnage et aux coulisses du pouvoir. Entre ses diverses missions, D’Artagnan tombera aussi amoureux, mais toujours des mauvaises personnes…
Pour incarner ce légendaire personnage, le metteur en scène Fernand Rainville a opté pour le jeune comédien Maxim Gaudette. Ce dernier, en janvier 2000, avait défendu au même endroit l’antihéros du célèbre roman de Dostoïevski, Raskolnikov dans Crime et Châtiment. Charismatique et impétueux, ce jeune premier excelle dans ce rôle exigeant. Il maîtrise très bien l’accent du Sud de la France, en plus de donner à son personnage toute l’étoffe nécessaire. Sorti du Conservatoire d’art dramatique il y a à peine trois ans, Maxim Gaudette compte désormais parmi les jeunes comédiens dont la carrière est à surveiller.
Jean Petitclerc, Normand D’Amour et Louis Champagne secondent très bien l’interprète de D’Artagnan, respectivement dans les rôles d’Aramis, d’Athos et de Porthos. La Milady diaboliquement manipulatrice de Myriam Poirier est très convaincante. Le cardinal de Richelieu de Carl Béchard souffre un peu, au début, du tempérament comique de l’acteur; mais son jeu devient plus nuancé par la suite. Ce n’est malheureusement pas le cas de Gary Boudreault qui cabotine énormément en Bonacieux; ni de Joël Marin qui joue le roi de façon un peu trop caricaturale.
La mise en scène de Fernand Rainville réussit à donner un peu de rythme à ce déferlement d’action en campant très bien chaque tableau. Mais l’ensemble tombe parfois dans la caricature et les drôles de clins d’oeil; telle cette scène où le roi Louis XIII, pour vaincre son ennui, joue avec un Slinky!!
La scénographie minimale et industrielle (d’énormes tuyaux de métal qui forment des tunnels vers l’arrière-scène, des plateaux et des escaliers en bois) signée Mario Bouchard m’a laissé perplexe; idem pour les costumes très kitsch de Mireille Vachon. Je n’ai pas vu dans la proposition des concepteurs une ligne artistique claire, mais seulement la volonté de rendre ultramoderne une oeuvre classique.
Malgré ses longueurs et ses faiblesses, Les Trois Mousquetaires incitera sûrement les adolescents à lire Alexandre Dumas. Ce qui est très bien. Finalement, ne serait-ce que parce qu’il fait découvrir aux jeunes autre chose que les récits surmédiatisés de Harry Potter, ce spectacle est déjà un bel exploit!
Jusqu’au 1er décembre
Matinées scolaires jusqu’au 28 novembre
Au Théâtre Denise-Pelletier