Brigitte Saint-Aubin : Pièce à conviction
Dix ans après sa mort, Serge Gainsbourg continue de séduire les jolies filles. À preuve, la première création que lui consacre la charmante auteure, metteure en scène, comédienne et musicienne Brigitte Saint-Aubin.
Dix ans après sa mort, Serge Gainsbourg continue de séduire les jolies filles. À preuve, la première création que lui consacre la charmante auteure, metteure en scène, comédienne et musicienne Brigitte Saint-Aubin. Librement inspirée de textes et de chansons du poète à tête de chou, Requiem pour un con raconte le meurtre d’un photographe, ourdi par trois femmes désireuses d’en finir avec la dictature de l’apparence. La principale suspecte dans cette affaire témoigne dans le rapport d’enquête qui suit…
Le crime
"À l’origine de cette pièce, il y a un questionnement sur les paradoxes intérieurs, sur la discordance entre ce que l’on est et l’image que l’on projette. Annie, Zizi et Manon disent toutes trois avoir tué le même homme, un photographe. Pourquoi? Elles jouaient des rôles différents dans la vie de cet homme qui, lui, était obnubilé par une fille de 14 ans d’une grande beauté. Cette obsession le mena à fréquenter trois femmes plutôt qu’une, une façon de se donner plus de chances de retrouver cette perfection. Ces dernières essayèrent de se faire aimer de lui… jusqu’à ce qu’elles se rendent compte que cela les éloignait d’elles-mêmes. À travers l’intrigue amoureuse racontée, ces femmes révèlent leur dualité et leurs interrogations."
La victime
"Le personnage masculin de la pièce n’est pas Gainsbourg, mais il lui ressemble. Comme lui, Gaston est un artiste qui se cherche, un être misogyne qui a pourtant une sensibilité très féminine. Il y a deux ans, j’ai découvert que je détestais le Gainsbarre de la fin de sa vie artistique, et pourtant, j’adorais ses textes et sa musique. Intriguée par ce paradoxe, j’ai commencé à m’intéresser à cet homme, qui reflète bien les contradictions de l’être humain. Lui-même avait un rapport très difficile avec son image: il se trouvait très laid, pas sympathique du tout. Il a donc choisi de provoquer pour attirer l’attention. Comme Gainsbourg, nous sommes des êtres morcelés. On aurait envie de retenir une image simple de chacun; mais en fait, celui qui s’identifie trop à l’image qu’il projette perd contact avec ce qu’il est vraiment."
La suspecte et ses complices
"Pour produire Requiem pour un con, j’ai fondé la compagnie Plagiat Théâtre, qui me permet de réunir mes intérêts et d’avancer dans une seule direction. Depuis que j’ai terminé mes études il y a six ans, j’ai vraiment fait un peu de tout. J’ai joué à la télé, entre autres dans Majeurs et vaccinés, l’ancêtre de Catherine; dans des créations, dont plusieurs de la compagnie Janvier Toupin, qui est ma famille théâtrale, ainsi que dans Mademoiselle Else de Schnitzler et au théâtre d’été. Je fais partie du band Les Frères Sénéchal et je m’intéresse à la peinture. J’ai un grand besoin de créer, peu importe le médium."
"Valérie Cantin, Marika Lhoumeau, Josée Rivard et Richard Lemire sont des interprètes audacieux, choisis parce qu’ils avaient le goût et la capacité de chanter. Ils seront accompagnés sur les lieux du crime par les musiciens François Duval, Jean-Sébastien Cyr et moi-même au violon. Au départ, j’ai travaillé avec le metteur en scène Éric Jean mais il est vite apparu que nos univers étaient trop différents, et j’ai choisi d’assurer moi-même la mise en scène. J’apprécie cette expérience et j’espère que les gens seront touchés de découvrir les textes de Gainsbourg dans un autre contexte."
Le mobile
"On le voit avec des oeuvres comme Putain de Nelly Arcan ou les chorégraphies de Manon Oligny, les filles ont besoin de s’exprimer sur la séduction. Elles se sentent piégées par les stéréotypes, prisonnières d’un jeu auquel elles acceptent pourtant de participer. Je n’ai pas autant de colère que Nelly Arcan, mais je poursuis la même réflexion sur notre besoin d’être vénérées et sur notre quête de perfection, que j’observe même au sein de l’équipe. Les comédiens sont toujours confrontés au désir de l’autre. J’apprécie d’autant plus cette première expérience de mise en scène qu’elle me place dans une position où je ne me sens pas obligée de séduire. J’ai quelque chose d’essentiel à communiquer et, croyez-moi, cela part d’un désir beaucoup plus profond que celui de plaire…"
Du 21 novembre au 8 décembre
Au Théâtre Prospero