Le Chant du cygne : L’envers du décor
À l’occasion de l’événement France au Québec/la saison, le Théâtre du Rideau Vert reçoit le cinéaste, metteur en scène et comédien français ROGER PLANCHON qui présente Le Chant du cygne et autres histoires d’Anton Tchekhov. Une drôle de vision de l’univers tchékhovien.
Mourir, cela n’est rien Mourir, la belle affaire Mais vieillir… ô vieillirJacques Brel
À propos du Chant du cygne, Tchekhov affirmait: "C’est le plus petit drame qui soit au monde, il se jouera en 15 ou 20 minutes; je l’ai écrit en une heure et cinq minutes." Roger Planchon ajoute que c’est aussi "le plus beau drame du monde, un texte fondateur du théâtre contemporain".
Une affirmation un peu exagérée, reste que ce texte, très touchant, hantait Roger Planchon. Depuis l’âge de 16 ans, il rêvait d’incarner ce vieil acteur solitaire qui dialogue sur le rôle du théâtre. Mais il aura attendu plus de 50 ans avant de créer la pièce au Théâtre municipal de Villeurbanne, à Lyon, en 1999.
Le metteur en scène a ajouté au Chant du cygne des textes tirés des nouvelles de jeunesse de l’auteur d’Oncle Vania. Le résultat donne un spectacle de deux heures et 15 minutes étonnamment bouffon et léger, qui s’achève avec Le Chant du cygne.Ivre et malade de vieillesse, un acteur se retrouve seul sur la scène d’un théâtre à s’interroger sur les grandeurs et les misères de son métier. Le souffleur, qui veille sur le théâtre, le surprendra. Devant le refus du comédien de retourner chez lui, ils se souviendront des grands moments de la carrière du vieil acteur shakespearien: le roi Lear, Othello, Hamlet…
Que reste-t-il de tous ces grands rôles dans la solitude de la nuit de Vassilitch Svetlovidov? Le théâtre peut-il réconforter l’angoisse des hommes? N’est-il qu’un divertissement pour gens aisés? Etc., etc.
La pièce se termine sur de la neige qui tombe à l’arrière-scène. Un tableau magnifique qui rappelle le titre du très beau livre de Roger Grenier, Regardez la neige qui tombe. Contemplant ce spectacle de la nature, Vassili, comme Tchekhov, émettra l’hypothèse que le théâtre n’a peut-être pas plus de sens que la chute lente, douce et réconfortante de ces flocons de neige…
Le problème de cette production du TNP que reçoit actuellement le Théâtre du Rideau Vert dans le cadre de l’événement France au Québec/la saison, c’est qu’il faut attendre deux longues heures avant ce Chant du cygne. Tout le reste n’est que du remplissage pour en arriver là. Curieusement, Roger Planchon a choisi des textes très légers de Tchekhov qui contrastent avec le ton dramatique du Chant du cygne et la gravité de son théâtre en général. Dix ans avant La Mouette, Tchekhov a écrit quotidiennement pour des revues satiriques de nombreux récits drolatiques qualifiés d’"humoresques". Cette matière assez grotesque et bouffonne, Planchon l’a sélectionnée et assemblée dans de courtes farces tragicomiques qui précèdent Le Chant du cygne.
Au bout du compte, Roger Planchon a mis en scène un curieux boulevard autour du personnage tchékhovien. Un boulevard bien joué, bien mené et supporté par des moyens énormes: 17 interprètes, dont deux musiciens et deux danseurs; de fréquents changements de décor; de beaux costumes et des éclairages soignés (le tout est réalisé par Luciano Damiani)… Mais un boulevard sans intérêt.
On soulignera toutefois le talent de la comédienne Nathalie Krebs en Sofia, la jeune épouse harcelée par le vieux comédien. Anna Prucnal en cantatrice sur le déclin est assez amusante. Et, bien sûr, il faut saluer la forte présence et le métier de Roger Planchon qui ne quitte jamais la scène. Plus de 2 heures et 15 minutes sur les planches, à 70 ans, c’est tout de même remarquable!
D’ailleurs, à l’occasion du passage à Montréal de cette figure importante du théâtre moderne français, une rencontre-débat aura lieu autour de la démarche théâtrale de Roger Planchon comme metteur en scène, dramaturge et acteur. Metteur en scène, acteur au cinéma et sur les planches, scénariste et écrivain de théâtre, M. Planchon a dirigé le TNP de Villeurbanne de 1972 à 2001. Il a mis en scène, au cours de sa carrière qui a débuté en 1950, plus de 75 pièces d’auteurs classiques et contemporains (Marlowe, Shakespeare, Adamov, Kleist, Calderon, Prévert, Vitrac, Ionesco, Molière, Marivaux, Musset, Brecht, Racine, Feydeau, Dostoïevski, ainsi que ses propres créations…).
Cette rencontre est organisée par l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, conjointement avec le Théâtre du Rideau Vert. Elle sera animée par Josette Féral. Le mercredi 28 novembre à 11 heures à la salle Marie-Gérin-Lajoie, pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM (JM-400, niveau métro).
Jusqu’au 8 décembre
Au Théâtre du Rideau Vert
En tournée à Laval les 14, 15 et 16 décembre