Lévesque & Turcotte : Personnages en quête d’auteurs
Dans le paysage de l’humour au Québec, Dominique Lévesque et Dany Turcotte se démarquent du lot.
Dans le paysage de l’humour au Québec, Dominique Lévesque et Dany Turcotte se démarquent du lot avec une approche à la fois visuelle et théâtrale, un univers peuplé de personnages saugrenus, ainsi qu’une complémentarité artistique unique; contrairement au traditionnel couple comique, genre Abbott et Costello, le duo se donne rarement la réplique. Ces deux humoristes se succèdent d’un numéro à l’autre, superposant leurs talents et leurs imaginaires. Sur scène, ils sont davantage complémentaires que complices.
Lévesque & Turcotte sous observation, sixième spectacle à leur curriculum (trois avec Le Groupe Sanguin, et trois autres en duo), nous offre "une courtepointe" de 14 personnages. Des nouveaux personnages, mais aussi des figures familières telles que le savoureux Dany Verveine dont la présence passe trop vite.
D’ailleurs, les créateurs nous proposent peut-être un peu trop de personnages, car ils sont loin d’être tous intéressants. Pour être honnête, certains n’ont carrément aucun mordant: le joueur compulsif qui soliloque devant son vidéo poker; le représentant de la LSD (La Société des drogues, qui affiche le même logo que la SAQ); ou la femme qui célèbre ses 100 ans en se remémorant des épisodes de sa vie. Cette dernière, en pleine forme, a curieusement conservé des intonations du "gars fatigué", interprété aussi par Dominique Lévesque…
Lévesque & Turcotte sous observation prend bien du temps avant de trouver sa vitesse de croisière. Après quatre premiers sketchs faibles, bourrés de lieux communs et de jeux de mots faciles, le tandem se ressaisit. L’arrivée de personnages connus finit par dérider la salle: le méprisant millionnaire Robert Bouvier Bernois, et bien sûr l’incontournable Dany Verveine qui clôt en beauté la première partie en interpellant le côté féminin des hommes, et le côté masculin des femmes.
En deuxième partie, Dominique Lévesque, qui signe aussi la mise en scène du spectacle, revient avec un astrophysicien fou et déluré. Puis, ce qui se révélera un des moments forts de la soirée, en cobaye d’une compagnie pharmaceutique testant, à ses risques et périls, de nouveaux médicaments. Délirant.
Le proprio incarné par Dany Turcotte a finalement vendu son bloc à Montréal pour s’acheter un terrain de camping. Son (long) numéro à la sauce écologique tourne carrément à l’absurde sur la fin. Autre personnage de Turcotte, l’artiste archi-subventionné et grande gueule, qui est devenu cinéaste. Avec ce numéro, il nous sert une énième variation sur le thème "Faisons participer le public".
Le spectacle se termine avec un numéro conjoint. Les humoristes incarnent deux astronautes québécois en mission vers la planète Mars. Si ce long numéro demeure le plus poussé sur le plan de la technique et des effets spéciaux, il manque cruellement de contenu. Son "punch" est même désolant, pour ne pas dire insultant pour le peuple québécois.
Finalement, Lévesque & Turcotte semblent mettre trop d’énergie sur les bébelles et les gadgets visuels, et pas assez sur l’écriture (le duo signe la majorité des textes avec trois scripteurs d’appoint: Ghislain Taschereau, Sylvain Ratté et Réjean Paré). C’est bien beau de vouloir faire un show spectaculaire et visuellement attrayant, mais la vivacité d’esprit et la justesse d’observation restent encore les meilleurs moyens de faire rire. Et pour y arriver, on a besoin de trois choses: des bons textes, des bons textes, et encore des bons textes.
En tournée à travers le Québec
Jusqu’en mai 2002