Régine Chopinot : L'air du temps
Scène

Régine Chopinot : L’air du temps

Monument de la danse contemporaine française avec une trentaine de chorégraphies à son actif, RÉGINE CHOPINOT continue de questionner son art. Pour sa première incursion au Québec, elle nous propose une réflexion sur la perception du temps, une oeuvre ambitieuse pour 15 danseurs.

"Depuis 25 ans que j’attends ce moment-là", s’exclame d’entrée de jeu Régine Chopinot. Heureuse comme une enfant de venir pour la première fois au Québec, la chorégraphe française discute avec fougue de La Danse du temps que sa compagnie Le Ballet Atlantique livre un soir seulement au Centre Pierre-Péladeau. "Ça m’excite beaucoup de connaître la réaction du public québécois, car il est réputé bien connaître la danse contemporaine."

Monument de la danse contemporaine française, l’artiste, qui n’a pourtant que 48 ans, décline une feuille de route impressionnante composée d’une trentaine d’oeuvres chorégraphiques. Qui aurait cru que cette rebelle ultra-branchée dans les années 80 allait plus tard réaliser une danse dépouillée et méditative à saveur écologique? Avec à ses côtés le prestigieux designer Jean-Paul Gaultier, Régine Chopinot excellait à cette époque-là dans une danse rockeuse et tape-à-l’oeil, qui faisait le régal de la critique française.

Le vent a cependant tourné en 1986. Au moment de la création de sa compagnie, à La Rochelle, la dynamique chorégraphe a entrepris une démarche introspective. "Après avoir évolué dans un monde d’images, j’ai ressenti le besoin de travailler avec mes danseurs sur l’état de conscience, explique-t-elle. Pendant plusieurs années, on a pratiqué la respiration via le yoga. Cette technique m’a aidée à canaliser les énergies tumultueuses que j’avais en moi."

Plus que jamais, Régine Chopinot questionne son art, expérimente avec sa troupe de nouvelles façons d’exprimer en mouvements des "états de corps". "Pendant 10 ans, on a travaillé comme dans un laboratoire, à réfléchir sur nos apprentissages et nos abandons. La Danse du temps s’inscrit à la fin de ce processus au cours duquel j’ai invité des artistes à se joindre à nous."

Ces artistes sont Françoise et Dominique Dupuy, un couple de pionniers de la danse moderne française proche du mouvement expressionniste allemand; et l’Américaine Sophie Lessard, une spécialiste de l’improvisation. Interprètes dans La Danse du temps, ces derniers ont par la suite créé des danses pour Le Ballet Atlantique, qui furent présentées cette année en France. "Chaque invité était à la fois interprète de la pièce de ses collègues et pédagogue des danseurs", explique Régine Chopinot.

En s’inspirant du thème du passage du temps, Régine Chopinot a fait appel pour la création de La Danse du temps à des collaborateurs qui ont travaillé à l’une ou l’autre de ses précédentes oeuvres. Ainsi, le sculpteur britannique Andrew Goldsworthy a conçu un immense mur d’argile, lequel, une fois séché, laisse paraître les contours d’une rivière. C’est la projection filmée image par image de ce mur (13 jours de tournage!) qui sert de décor à La Danse du temps. Le compositeur de la musique du film L’Odeur de la papaye verte, Tôn-Thât Tiêt, a composé une bande musicale interprétée par un quatuor à cordes, des percussionnistes et un choeur. "On a travaillé de façon simultanée, en se rencontrant en studio ou en participant à la construction du mur d’argile, à Digne, dans la région de la Haute-Provence. En fait, c’est important pour moi que les danseurs et les collaborateurs participent au processus de création", précise Régine Chopinot.

Pour illustrer le temps qui passe, trois générations d’interprètes se partagent la scène, dont Régine Chopinot. "Si je ne danse plus, je tombe malade", déclare-t-elle avec un sourire dans la voix. Par ailleurs, la chorégraphe s’émerveille encore d’observer sur une même scène des corps de tout âge en train de marcher, courir, sauter, chuter ou s’immobiliser. "Plus on vieillit, plus notre éventail d’émotions s’élargit, observe la chorégraphe. Enfin, c’est fabuleux de constater que des danseurs peuvent encore travailler ensemble en accusant plus de 50 ans d’écart."

Optimiste, la chorégraphe souhaite que le public oublie de consulter sa montre pendant le spectacle. Vous l’aurez compris, La Danse du temps est une oeuvre exigeante qu’un public non moins exigeant saura sans doute apprécier à sa juste valeur.

Le 1er décembre
À la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau

D’ombres et de lumières
En 10 ans seulement, Stephane Boko a vécu en France, en Allemagne, aux États-Unis et en Espagne. Depuis peu, il est à Montréal; mais allez donc savoir pour combien de temps.

Né d’un père béninois et d’une mère italienne, ce Marseillais d’origine suit à la lettre ce que lui dicte son instinct. Ancien danseur de ballet, il prend autant de plaisir à collaborer à une comédie musicale qu’à un ballet ou à une danse contemporaine. En plus d’avoir assisté le metteur en scène Gilles Maheu dans Notre-Dame de Paris, Stephane Boko a incarné un sans-abri dans ce drame musical. Il est aussi interprète dans Silence et Cris, la dernière création de Maheu pour Carbone 14.

Mais qu’est-ce qui fait courir cet éternel optimiste de 30 ans? "On a tous le feu sacré. Mais plus le temps avance, plus la flamme vacille; et l’on finit souvent par baisser les bras. Pourtant, on doit continuer à aller de l’avant." Ce message de foi marque la création solo de Stephane Boko présenté, ce week-end, à Tangente. La gestuelle d’Out of Darkness révèle des influences du ballet et du théâtre. "J’ai préféré un titre anglais parce que c’est direct et profond", dit-il.

Bien entendu, l’artiste à la peau d’ébène ne manque pas de projets. Son plus précieux: monter un spectacle de danse qui ferait la navette entre Marseille et Montréal. "Les deux villes partagent la même douceur et la même liberté de créer. Tout cela est sain pour un nouvel artiste."

Outre la pièce de Boko, Tangente propose au cours de la même soirée une nouvelle création solo de Sarah Williams. Nil Admirari aborde le thème de la nécessité des rituels dans nos vies. Comme pour ses précédentes oeuvres, la chorégraphe-interprète fait équipe avec la compositrice Jackie Gallant. Un duo choc qui nous a donné jusqu’à présent une danse explosive, plus physique qu’intellectuelle.

Du 29 novembre au 2 décembre
À Tangente