Contes urbains : Faible cru
Scène

Contes urbains : Faible cru

S’il fallait chercher un péché capital à Yvan Bienvenue, on ne pourrait sûrement pas lui coller celui d’avarice.

S’il fallait chercher un péché capital à Yvan Bienvenue, on ne pourrait sûrement pas lui coller celui d’avarice. L’auteur est très prolixe de sa personne et de sa plume, lui qui signe pour la seconde année consécutive tous les Contes urbains, quelques mois seulement après avoir créé les trois courtes pièces de De la vie, entre autres choses.

Apparemment, l’édition 2001 des Contes urbains s’est montée très vite, en remplacement d’une autre formule, tombée à l’eau. Et le spectacle s’en ressent, peu de textes s’imposant vraiment. Le soir de la première médiatique du show annuel de Urbi et Orbi, les choses n’étaient peut-être pas tout à fait en place, car une couple de conteurs oublieux ont pu remercier la souffleuse de son précieux concours…

Ces textes inégaux nous servent une version contemporaine et urbaine des sept péchés capitaux, explorant divers univers et coins de Montréal. Dans L’Hip-Hopée de Nesta, une histoire de gangs à NDG, le thème – l’envie – paraît plutôt prétexte à raconter une assez ennuyeuse "tragédie d’amour d’un homme laid".

Belle jambe, mince dérive sur l’orgueil narrée avec aisance par Caroline Lavoie, semble être une démonstration de l’art d’étirer une petite histoire de rien du tout: un vieux monsieur trop fier qui reste coincé dans le Centre Eaton où il a perdu sa jambe artificielle.

Car Bienvenue ne se contente pas de raconter des histoires, bien souvent. Il multiplie les apartés et les digressions, ajoute des "vérités" générales sur la vie qui rapprochent parfois ces contes – fréquemment un peu trop longs – de fables.

Le don de l’auteur pour manier les grosses métaphores qui font images ressort ici et là; sa verdeur émerge, entre truculence et vulgarité (avec des pointes de scatologie). Mais en gros, le cru 2001 (c’est le cas de le dire…) est faible, conclu par des chutes idoines. Les conteurs (qui incluaient aussi Louis Champagne, Manon Brunelle et Guillermina Kerwin) se débrouillent bien avec des textes pas toujours intéressants.

Il y a bien la drôlerie de Joël Marin, avec ses mimiques et son regard exorbité digne d’un jeune et comique Jean-Luc Mongrain, qui rend savoureux Le Réveillon, petit conte grotesque sur la gourmandise.

Mais la pièce de résistance du spectacle se révèle sans conteste Cocaline, seul texte raconté au "je" de toute la soirée. La conviction dramatique avec laquelle France Arbour s’approprie complètement cette histoire tragi-comique contraste avec le ton bonhomme et décontracté des sympathiques conteurs précédents. Cette histoire impudique de pensionnaire d’un centre d’accueil qui recourt aux services d’un beau jeune prostitué pour lui donner du plaisir, charrie une noire cruauté sur les ravages et la solitude de la vieillesse ("la jeunesse du coeur, c’est d’la marde!", proteste la vieille dame indigne) et va droit au but. Des vertus capitales qu’on ne trouve guère à travers la minceur des autres contes.

Or, le meilleur coup de l’édition 2001 est la reprise d’un conte créé en 1995. Peut-être est-ce symptomatique d’un certain déclin qui frappe les Contes urbains depuis quelques années…

Jusqu’au 22 décembre
À La Licorne