Serge Mandeville : Entrée en scène
À sa sortie du Conservatoire d’art dramatique, en 1997, Serge Mandeville s’est promis de ne pas se contenter d’attendre les propositions…
À sa sortie du Conservatoire d’art dramatique, en 1997, Serge Mandeville se promet de ne pas se contenter d’attendre les propositions. Le grand gaillard n’aura effectivement pas à patienter longtemps: Martine Beaulne lui offre d’incarner Claude dans une reprise du Vrai Monde? de Michel Tremblay, son auteur fétiche. Une entrée en scène marquante pour cette recrue issue d’une promotion talentueuse (Isabelle Blais, Maxim Gaudette), qui se heurtera ensuite au… vrai monde du théâtre, plus difficile à pénétrer qu’il n’y paraît. Bien décidé à respecter sa promesse, il fonde avec d’autres diplômés une compagnie, Absoluthéâtre, au sein de laquelle il multiplie les projets, dont une adaptation remarquée de Crime et Châtiment en collaboration avec Igor Ovadis. L’ex-étudiant en sciences, qui se destinait à la pharmacologie, se lance aussi dans l’étude du piano – il prend aujourd’hui des cours avec son fils de cinq ans -, puis du violoncelle.
Mais surtout, il entreprend l’écriture d’une première pièce, Un désert, une lampe et un fauteuil, dont il présente une version lors d’un atelier en 1998. "J’ai ensuite écrit La Chanteuse et le Chirurgien pour compléter cette première histoire", explique le comédien aux yeux pers. Réunies sous le titre d’Une île et un désert, ses deux textes seront enfin montés à l’Espace Geordie, après plusieurs années de labeur.
Un désert, une lampe et un fauteuil met en scène la rencontre d’Irsute, un homme vivant seul dans le désert, et de Solange, une comtesse qui traîne un fauteuil et une lampe avec elle. Une chanteuse tentera de jouer les Cupidons. La deuxième pièce est construite autour d’un chirurgien dentiste, bien décidé à convaincre une chanteuse de venir sur son île pour offrir un récital à sa femme. L’artiste acceptera, pour découvrir que l’insulaire a rendu l’âme… Outre Mandeville, Brigitte Lafleur, Stéfan Perreault, Marie-Ève Bertrand, Olivier Aubin et Véronique Marchand donneront vie à ces créatures beckettiennes, sur une musique originale d’Yves Morin.
"L’idée, c’était d’explorer notre rapport aux rites funèbres. Quand mon cousin est décédé du sida, je me suis demandé: est-ce qu’il peut y avoir un service funèbre s’il n’y a plus de Dieu? Si on n’y croit plus? Les discussions sur la mort, ça devient toujours un peu ésotérique, je l’ai constaté avec les comédiens. N’empêche que je crois que la frontière qui sépare les vivants des morts n’est pas si étanche que ça."
Mandeville avoue "fonctionner par références", s’inspirant de créateurs qu’il admire, parmi lesquels Shakespeare, Dostoïevski et Chaplin, dont il a emprunté une scène de City Lights. Peter Brooks lui aurait servi de guide pour la mise en scène. "J’aime l’idée que la vraie puissance du théâtre, c’est l’imagination du spectateur."
Loin de se prendre au sérieux, Serge Mandeville a tendance à tout tourner en dérision, même le manque de ressources de sa troupe. Sourire en coin à l’idée de citer Brecht – un must en entrevue, rigole-t-il -, le comédien rappelle cette vérité, affichée dans son bureau: là où il y a peu, il y a aussi davantage. Bref, soutient-il, "il y a un luxe qu’aucun budget du TNM ne peut payer: c’est la passion et l’implication de tous ceux qui travaillent à un spectacle. Cette énergie-là peut racheter bien des maladresses…"
Jusqu’au 26 janvier
À l’Espace Geordie