Les 20 ans de Danse-Cité : Acte de foi
Conçu en 1991, le volet Interprète permet à des chorégraphes aguerris, et souvent rattachés à une compagnie, de relever de nouveaux défis. Dans le cadre des 20 ans de Danse-Cité, son directeur, Daniel Soulières, dresse un bilan des activités de la compagnie.
Lorsque le directeur artistique de Danse-Cité, Daniel Soulières, a proposé à Annik Hamel d’enseigner les mouvements de Côté coeur, côté jardin à sa jeune collègue Elinor Fueter, la danseuse a eu un moment d’hésitation. Le problème, c’est qu’elle avait toujours envie de danser ce solo qu’elle avait commandé, en 1999, à José Navas. "Ça me faisait drôle de donner quelque chose encore frais en moi", se souvient-elle. Cependant, l’originalité du concept a vite envoyé valser son hésitation. C’est ainsi que Côté coeur, côté jardin accompagnera sept autres morceaux qui ont fait les belles heures du volet Interprète de Danse-Cité, et cela, dans le cadre du spectacle Célébrations, qui prendra l’affiche de l’Agora de la danse la semaine prochaine.
Daniel Soulières est un homme d’idées et de principes. En vue de célébrer le vingtième anniversaire de sa compagnie, il aurait été facile pour lui de sélectionner les meilleurs moments du volet Interprète ou des autres volets de Danse-Cité (Les Événements de la pleine lune, Most Moderne ou encore le volet Intégral) en misant uniquement sur la participation d’excellents danseurs. Le public aurait été partant, c’est sûr. Mais c’est mal connaître cet artiste qui évolue depuis 30 ans en danse et qui cherche depuis toujours à donner un coup de main à la relève chorégraphique.
L’ancien étudiant en psychologie a plutôt préféré développer un concept qui puisse mettre en relation des danseurs expérimentés (Annik Hamel, Liza Kovacs, Sylvain Lafortune, Manon Levac, Heather Mah, Robert Meilleur, Ken Roy, Catherine Tardif) avec des danseurs à la feuille de route encore courte (Jean-François Déziel, Elinor Fueter, Emmanuel Jouthe, David Kilburn, Geneviève La, Marie-Ève Nadeau, Kha Nguyen, Catherine Viau et Daniel Villeneuve). Les buts de Soulières: "assurer une continuité dans le milieu de la danse" et faire revivre des pièces de répertoire.
Et puis, avouons-le, Daniel Soulières a toujours eu un penchant pour le volet Interprète. Normal puisque cet interprète inspiré, qui danse toujours pour Jean-Pierre Perreault, a participé à plus de 170 chorégraphies signées par une cinquantaine de chorégraphes. Après son passage au groupe Nouvelle Aire, à la fin des années 70, il réalisait en compagnie de Monique Girard Treize Chorégraphes pour deux danseurs. Le duo avait supervisé toutes les étapes de la production de ce spectacle. Cet événement incarne en quelque sorte l’ancêtre du volet Interprète. "Ce projet m’avait énormément responsabilisé", se souvient Daniel Soulières.
Conçu en 1991, le volet Interprète permet à des danseurs aguerris, et souvent rattachés à une compagnie, de relever de nouveaux défis. Ceux-ci invitent des chorégraphes de leur choix à leur signer une danse répondant à des besoins précis. C’est ainsi que la danseuse de ballet Liza Kovacs s’est mouillée dans des solos surprenants situés à mille lieues de l’univers des pointes. Ken Roy, lui, a interprété trois solos qui furent conçus sur une même musique et dans des décors et costumes identiques. Catherine Tardif avait commandé pour sa part une danse-théâtre à une chorégraphe (Louise Bédard) et à une metteure en scène (Brigitte Heantjens), laquelle n’avait jamais chorégraphié de sa vie. Selon Daniel Soulières, les soirées du volet Interprète remportent un vif succès auprès du public en raison notamment de la présentation de courtes pièces.
Le chemin des interprètes
Pour le projet Célébrations, certaines oeuvres ont été sélectionnées pour des raisons historiques, d’autres ont été mises de côté pour des raisons techniques. Parmi les élues se trouvent plusieurs coups de coeur de la critique et du public comme One Night 2/3, dansée à l’origine par Benoît Lachambre, Robert Meilleur et Marie-Claude Poulin. Cette chorégraphie est aujourd’hui défendue par Jean-François Déziel, Emmanuel Jouthe et Catherine Viau. Il y a aussi un extrait de Cascando, créé par Louise Bédard pour Ken Roy, et qui sera réinterprété par Daniel Villeneuve. On retrouve également Seule et Liza de Dominique Porte. C’est Marie-Ève Nadeau qui reprend ce solo exigeant dansé à l’origine par Liza Kovacs.
C’est au printemps dernier que les seniors ont enseigné à leurs collègues la mécanique des oeuvres commandées à Louise Bédard, Brigitte Haentjens, Danièle Desnoyers, Sylvain Émard, José Navas et Dominique Porte. Le groupe a repris les répétitions cet automne. C’est à ce moment que les jeunes interprètes ont imposé leurs propres couleurs aux mouvements. "C’est la première fois que je danse une pièce de répertoire dans une salle d’importance, raconte Marie-Ève Nadeau. Habituellement, je travaille pour des amis chorégraphes qui savent exploiter mes forces. Cette fois-ci, j’ai eu à relever des défis techniques importants."
Les chorégraphes ont bien assisté à une ou deux répétitions, mais le principal travail s’est réalisé en présence des danseurs d’origine et de la répétitrice Christine Charles. "Ces derniers furent généreux, car ils n’ont pas cherché à reproduire leur propre travail", dit Elinor Fueter. "L’important, c’était de laisser l’interprète découvrir son propre chemin, explique Annik Hamel. Pour mon solo, par exemple, Elinor devait donner une saveur personnelle aux mouvements de José conçus expressément pour moi afin que le jus sorte."
Malgré la bonne volonté de tout le monde, la barre n’en demeure pas moins haute pour la nouvelle distribution. Si les jeunes font appel à tout leur talent pour nous faire oublier qu’ils enfilent les chaussures de danseurs qu’on aurait aimé applaudir sur scène, la comparaison demeurera sans doute inévitable pour nous. "On a confiance que le public embarquera dans le jeu et acceptera qu’on n’a pas 20 ans d’expérience", souhaitent en choeur Elinor Fueter et Marie-Ève Nadeau.
Pour conclure, lorsque Annik Hamel a vu le résultat final de la reprise de Côté coeur, côté jardin, la danseuse fut enchantée du résultat. "On a fait un bon travail", confie-t-elle en souriant. Cela dit, elle aurait bien aimé être à la place de sa collègue le soir de la première…
Du 23 janvier au 2 février
À l’Agora de la danse