Critique: Agonie
Scène

Critique: Agonie

Texte superbe que celui d’Agonie, pièce mise en scène et adaptée d’un roman de Jacques Brault par Marie-Ginette Guay: images fortes, matière profonde, langue très riche.

Texte superbe que celui d’Agonie, pièce mise en scène et adaptée d’un roman de Jacques Brault par Marie-Ginette Guay: images fortes, matière profonde, langue très riche. Adapter pour la scène ce récit recelant une large part d’ombre et de mystère n’était sûrement pas chose facile. Le résultat: une pièce par moments très belle et émouvante, mais un peu longue. Si on comprend l’hésitation de Marie-Ginette Guay à couper dans un tel texte, le passage à la scène semblerait toutefois l’exiger. On goûterait mieux, ainsi, ce texte très poétique, qui fonctionne un peu comme la mémoire, avec son rythme particulier, mélangeant les époques, les émotions, la réalité et l’invention.

Jacques Leblanc incarne un homme qui vient de rencontrer son ancien professeur d’université devenu clochard. S’intéressant à ce "professeur de tristesse", à son parcours qu’il essaie de retracer, c’est lui-même qu’il cherche à travers les souvenirs, les craintes, les espoirs déçus. Ainsi passe-t-il la nuit à ressasser, à inventer la vie du prof, calquée sur la sienne – à moins que ce ne soit l’inverse…

Seul sur une scène aux côtés inclinés s’élargissant vers le public, et dont les parois sont faites d’ardoise (Isabelle Larivière), le personnage est entouré de livres, de papiers et de quelques objets lui servant, en plus des interventions ponctuelles d’une bande son comprenant bruits, voix, musique (Jean-Sébastien Côté), à raconter l’histoire, évoquant rencontres, lieux, émotions. Son voyage est enveloppé d’éclairages créant habilement des atmosphères diverses (Christian Fontaine), notamment lors de la très belle finale.

Jacques Leblanc relève un défi de taille: jouer un solo de plus de deux heures. "Un morceau de bravoure", commente la metteure en scène. Son jeu est énergique, explorant différents registres, et en général nuancé, même s’il arrive que le passage d’une émotion à l’autre semble un peu brusque. Rythme par moments trop rapide ou difficulté inhérente à un texte, à l’origine, narratif? Il est toutefois touchant, sourire et fragilité mêlés, en particulier lors de l’évocation de souvenirs d’enfance ou de jeunesse.

Le comédien est seul, mais accompagné: du son, des lumières et des mots – craie sur les murs, papiers collés, jonchant le plancher, s’échappant des poches. Leur présence rappelle constamment les étapes de cette aventure: poème d’Ungaretti comme point de départ du texte de Jacques Brault, adaptation de ce roman pour la scène. Elle témoigne, aussi, de l’affection des créateurs d’Agonie pour les mots, dont ils font une fête.

Jusqu’au 15 février
Au Théâtre Périscope