La Nuit des tribades : Nuit d'orage
Scène

La Nuit des tribades : Nuit d’orage

Ça commence à se savoir, les génies font rarement de bons parents, encore moins de bons maris. August Strindberg en était un bien bel exemple.

Ça commence à se savoir, les génies font rarement de bons parents, encore moins de bons maris. À en croire la pièce écrite en 1975 par Per Olov Enquist, le grand dramaturge scandinave August Strindberg en était un bien bel exemple. Il aurait été un bien petit homme au quotidien, un être vil, tyrannique et misogyne à l’extrême. "Toutes des salopes, ma femme la première!" aurait pu être son leitmotiv, tant l’auteur de Mademoiselle Julie était convaincu que le deuxième sexe était profiteur, sot, lâche et bavard… sans toutefois réussir à se passer de sa compagnie. Montée par le Groupe de la Veillée, La Nuit des tribades se déroule durant une répétition à laquelle participent Strindberg ainsi que sa femme, la comédienne Siri von Essen, et l’amante de cette dernière. Les couteaux volent bas dans ce spectacle lourd et dérangeant, intéressant surtout pour la performance qu’y offre Gabriel Arcand.

En s’inspirant d’un épisode de la vie de Strindberg, Enquist assène au dramaturge suédois sa propre médecine. En effet, Siri von Essen n’aurait jamais pardonné à son mari d’avoir "dévoré ses proches" pour les digérer dans ses pièces. Dans son entourage, son "vrai monde" souffrait d’être transformé en chair à fiction. Cette fois, c’est lui qui se retrouve pantin d’un auteur. Tel est pris qui croyait prendre!

La Nuit des tribades se déroule au crépuscule du 19e siècle, dans un théâtre de Copenhague, à quelques jours de la première et unique représentation de La Plus Forte, pièce mineure de Strindberg. Siri von Essen y fait un retour au jeu, après avoir passé sept ans à jouer les mamans au domicile conjugal. Mais la présence de l’amante de Siri, Marie David, perturbe l’auteur. La répétition tourne au règlement de comptes alors que Strindberg se montre odieux avec tout le monde. "Un enfant apeuré qui fait semblant d’être un géant", en dira sa femme.

Gabriel Arcand épouse la haine de cet homme tourmenté avec une intensité remarquable. Les autres comédiens dirigés par Téo Spychalski souffrent de la comparaison: Anouk Simard campe une Siri von Essen incapable de nuances; Marie-Claude Gamache frôle la caricature en tribade (lesbienne déclarée) alcoolique, tandis que dans le rôle du comédien Viggo Shiwe, Marcel Pomerlo apporte une certaine légèreté au spectacle avec une composition très physique, mais à la limite du cliché. Le tout est joué avec une extrême lenteur, ce qui donne l’impression de regarder un tableau, et précédé d’une longue séquence d’images projetées sur un rideau blanc.

À la lumière du sombre, et un peu ennuyeux, il faut bien le dire, drame d’Enquist (dont certaines répliques font rire aujourd’hui), force est de constater que la guerre des sexes ne connaît décidément pas de trêve…

Jusqu’au 16 février
Théâtre Propero