Pascal Brullemans : Artisan des mots
Scène

Pascal Brullemans : Artisan des mots

"L’important, c’est de décider à l’avance quelles seront les règles du jeu." Depuis qu’il est sorti de l’École nationale de théâtre il y a 10 ans, Pascal Brullemans multiplie les projets d’écriture, s’assurant chaque fois d’être stimulé par une nouvelle contrainte.

"L’important, c’est de décider à l’avance quelles seront les règles du jeu." Depuis qu’il est sorti de l’École nationale de théâtre il y a 10 ans, Pascal Brullemans multiplie les projets d’écriture, s’assurant chaque fois d’être stimulé par une nouvelle contrainte. Avec le metteur en scène Éric Jean, il a entre autres écrit en salle de répétition la pièce Marianne Vague, avec à sa disposition des comédiens prêts à tester ses répliques en direct. Cette fois, le tandem a relevé un nouveau défi, celui de créer en trois semaines un spectacle à partir de La Dame aux camélias, le roman d’Alexandre Dumas fils, alors que Brullemans, recruté in extremis, était à Montréal et le reste de l’équipe, au Saguenay. Chaque jour, le dramaturge envoyait à ses collègues, par courrier électronique, les scènes rédigées la veille, comme un feuilleton.

Le résultat de cette collaboration virtuelle, Camélias, a remporté le Masque de la production "régions" l’an dernier, après avoir été créé à Chicoutimi, puis repris au Mexique, ainsi qu’à Ottawa. Depuis, le spectacle a changé, Pascal Brullemans souhaitant offrir une version plus "gars" de l’histoire de la courtisane tuberculeuse Marguerite Gautier et de son jeune amant, possessif mais sans le sou. À partir de ce canevas connu, l’auteur s’est permis de "flyer".

"Marguerite, aujourd’hui, c’est une escorte. L’histoire d’un gars qui est en amour avec une prostituée m’intéressait, parce que c’est encore très actuel. Qu’est-ce qui se passe quand amour et prostitution se rencontrent? Quand j’ai accepté d’adapter ce texte, j’ai demandé à Éric Jean combien de gars, à son avis, choisiraient de venir voir ce spectacle plutôt que d’aller aux danseuses, s’ils pouvaient le faire de façon totalement anonyme? Le corps de la femme reste pour l’homme un objet incroyable, dont on se sert encore de manière abondante, pour vendre toutes sortes de choses."

La production "très visuelle" concoctée par Persona Théâtre ne compte que cinq personnages. "Le romantisme français n’est pas un style littéraire qui me plaît, ce qui a facilité mon travail. Je n’ai pas souffert du syndrome Harry Potter, ce n’est pas identique au livre!" prévient-il. Selon lui, les auteurs devraient être mieux intégrés au processus créatif. "Ils ont un rôle important à jouer en salle de répétition. J’ai remarqué que certains comédiens n’étaient pas capables de travailler avec quelqu’un qui écrit devant eux. Mais moi, en m’inspirant d’eux, j’ai l’impression de donner au théâtre quelque chose de vivant."

Si cet "artisan des mots" – il affirme ne pas être un auteur encore – réservé aime tant le travail d’équipe, c’est peut-être parce qu’il passe ses journées en tête-à-tête avec son ordinateur, oeuvrant entre neuf et cinq dans le multimédia. "J’écris avec plaisir, chaque soir. Et j’ai l’impression que mes mots ont de plus en plus de sens." Visiblement dans son élément, Pascal Brullemans espère que les spectateurs seront transportés ailleurs par cette adaptation du classique de Dumas, écrite en mode accéléré. "Cette fois, nous avons retardé l’écriture au maximum. Je crois qu’il faut absolument créer une instabilité. C’est ce qui permet de faire du théâtre différent." Il suffit parfois d’un souffle pour rompre l’équilibre, et faire bouger les choses…

Du 6 au 23 février
Salle Fred-Barry