Marie Chouinard : Y a d’la joie !
À l’entendre si confiante et l’esprit si clair, on devine que la création pour MARIE CHOUINARD est un acte de bonheur. Après avoir, une fois de plus, étonné, ravi, subjugué le public et la critique, la chorégraphe est de retour avec Les 24 Préludes de Chopin et Le Cri du monde, dans le cadre du Festival Montréal en Lumière.
Il y a quelque chose d’unique et d’émouvant au sujet de la chorégraphe québécoise Marie Chouinard. Depuis plus de 20 ans, le regard que posent sur son travail le public et la critique, partout dans le monde, s’avère aussi inspiré et enthousiaste que l’artiste elle-même. Loin d’une facile flatterie, on a cette impression, combien rare, d’aventure véritablement partagée.
"Oui, je me sens accompagnée par le public, et je suis très touchée par cela, lance la chorégraphe. Je me sens soutenue et ça va plus loin que les critiques. C’est une chance que de présenter mes spectacles partout! On va dans plein de pays et on a un accueil exceptionnel. Des gens qui disent que, pour eux, c’est le show de l’année! Et ça, c’est le cadeau que je reçois de la vie. Je crois que ça vient du fait que je suis tellement heureuse quand je crée une pièce… J’éprouve une joie véritable… Et j’ai l’impression que ça se communique."
À l’entendre si confiante et l’esprit si clair, on devine que la création pour Marie Chouinard est un acte de bonheur, surtout parce qu’elle prend le risque d’une invincible fidélité à elle-même. "Quand je commence une nouvelle pièce, je suis très seule. Je ne sais jamais si les gens vont me suivre quand je change de cap; c’est épeurant! Mais en même temps, c’est ça que je veux et que je dois faire, et je le fais avec un absolu plaisir, tout en ayant l’impression que je risque de tout perdre. Je ne pourrais pas me répéter. J’ai sûrement des pièces qui se ressemblent, mais ce que je veux, c’est être persuadée, moi, que je fais autre chose."
La présentation en première montréalaise des 24 Préludes de Chopin et du Cri du monde fut un des grands moments du FIND, l’automne dernier. Émerveillement unanime. Mais pour tant de joie et de sueur, deux petits soirs, c’est bien peu. Tant mieux, donc, si le Festival Montréal en Lumière a demandé à Marie Chouinard et sa troupe de revenir présenter exactement le même programme. Rappelons que Les 24 Préludes de Chopin est une suite de solos, duos, trios et mouvements d’ensemble inspirés par, et dansés sur, les célèbres courtes pièces du romantique compositeur. "Ça m’appelait complètement, mais parce qu’il s’agit d’une musique d’une autre époque, je me disais: ben non, voyons donc! Une partie de moi ne voulait pas, mais une autre ressentait cet appel comme une urgence", raconte Chouinard.
"Pour moi, ces Préludes, ce sont, chacun, des émois de l’être. La joie, mais aussi des angoisses, des drames… C’est comme si Chopin avait touché à différentes couleurs de l’âme, mais de façon extrêmement concise, parfois en quelques secondes."
On dit que Chopin a composé ses préludes dans le bonheur. Époque George Sand. La chorégraphe n’est pas fleur bleue. "S’il y a eu du bonheur pour Chopin, il l’a mis dans sa musique, et c’est le bonheur de sa musique qui m’a inspirée. Je ne m’occupe pas des anecdotes, ni pour les autres ni pour moi. Si quelque chose est dans l’oeuvre, c’est là que ça compte", tranche-t-elle, sérieuse.
Il est aussi écrit que les Préludes, obéissant à un idéal de concision, ont réussi à transcender leur propre fonction, pour devenir de véritables miniatures romantiques… "Ça, par contre, la structure, je m’y intéresse! réplique Marie Chouinard. C’est l’architecture de l’oeuvre. C’est absolument essentiel. Ce qui est fabuleux avec les Préludes, c’est que Chopin, en composant, ne s’est pas laissé emporter que par les émotions. Il y a une recherche, une difficulté pianistique, et, à force d’avancer plus profondément dans son étude, il a touché aux émotions, et c’est ça qui est fantastique."
Sans peut-être le savoir, la démarche de la chorégraphe pour Le Cri du monde peut rappeler celle de Chopin. La pièce, qui est une étude sur le morcellement morphologique, dépasse sa propre exploration pour devenir une célébration de l’amour et de la souffrance. Est-ce une réflexion sur la douleur et la beauté? "Je ne réfléchis pas! Il y a, dans l’oeuvre, une représentation de la beauté et de la douleur, pas une réflexion!"
Douze ans après avoir fondé sa compagnie, vingt-quatre ans après ses débuts à elle comme soliste, armée d’un répertoire d’une cinquantaine de pièces dont la plupart ont su éblouir à travers le monde, Marie Chouinard continue de travailler et d’avancer. Encore. Car même si, d’un article à l’autre, on lit depuis toujours que Marie Chouinard est une sirène (une prêtresse, une magicienne, une sorcière, une fée…), il n’y a aucun flou dans sa vision des choses…
Sa plus récente chorégraphie, Étude #1, un solo dansé par Lucie Mongrain, a été présentée en première mondiale à Vienne, l’été dernier. On devrait la voir au pays en 2003, quand seront prêtes les deux autres pièces qui l’accompagneront.
En attendant, l’occasion de se reprendre la semaine prochaine est fugace mais trop belle: saisissons-la.
Les 22 et 23 février
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
Le Festival Montréal en Lumière propose aussi, en reprise (le 20 février, au Théâtre Maisonneuve), La Dame de pique, spectacle des Grands Ballets Canadiens d’après un classique du célèbre poète russe Alexandre Pouchkine.