Michel Nadeau : Le tourbillon de la vie
Scène

Michel Nadeau : Le tourbillon de la vie

Directeur du Conservatoire de Québec et du Théâtre Niveau Parking, MICHEL NADEAU est omniprésent sur la scène de la Vieille Capitale. Trois ans après Jeanne et les Anges, le metteur en scène est de retour chez Duceppe pour diriger Après la pluie du Catalan Sergi Belbel.

Les meilleures comédies sont souvent tissées à partir de conflits dramatiques qui passent inaperçus dans la vie de tous les jours. Un bon dramaturge les observe, les enregistre, puis les juxtapose de façon que ces travers nous apparaissent soudainement comiques.

Voilà la recette d’Après la pluie, une pièce catalane ayant roulé sa bosse en Europe, mais qui sera présentée en première nord-américaine chez Duceppe dès le 20 février, puis en avril au Théâtre Périscope à Québec. À la manière d’Almadovar (mais dans un milieu beaucoup plus straight), l’auteur Sergi Belbel offre une galerie des personnages haut en couleur, souvent hystériques, mais qui, après avoir vécu un moment de crise, connaîtront une catharsis.

Sur le toit d’une tour à bureaux de 49 étages aménagé en terrasse, huit personnages (quatre secrétaires, une directrice, un administrateur, un programmeur et un coursier) se croisent en allant fumer en cachette. Faible vice en comparaison à tous les médisances et les méchancetés qu’ils déversent entre deux touches de tabac. L’interdiction de fumer étant un prétexte pour que l’auteur dénonce un mode de vie qui laisse de moins en moins de place à la liberté, la différence et au non-conformisme.

"J’ai découvert ce dramaturge il y a deux ans, au hasard de mes lectures au Conservatoire. J’ai tout de suite été séduit par le propos de Belbel, la vivacité de son esprit, l’acuité de son regard. J’ai décidé de présenter le projet pour faire une coproduction avec Duceppe. Et Michel Dumont et Louise Duceppe ont immédiatement accepté", explique Michel Nadeau qui dirige neuf comédiens de Québec et de Montréal. Parmi eux, Lorraine Côté, Danielle Lépine, Normand Lévesque, Michel Poirier et Linda Roy.

"J’ai aimé la critique des rapports de pouvoir et de hiérarchie qu’on peut trouver dans le travail de bureau, poursuit le metteur en scène. L’horaire de 9 à 5, les deux ou trois semaines de vacances payées, les congés payés et pas payés… Toute cette organisation du travail conditionne notre vie, en nous enfermant dans des cases. Il n’y a pas beaucoup de place pour le touffu, le débridé, ou la folie spontanée dans le travail de bureau. Les personnages d’Après la pluie évoluent donc dans un monde de travail très fermé, compétitif et sans merci pour la sensibilité de leurs collègues. La pièce est une allégorie pour dénoncer cette façon d’entretenir des rapports humains. Fonctionner seulement sur ce mode de relations-là, pour l’auteur, ça ne peut pas durer toujours, c’est voué à l’échec. Il faut de l’empathie et de la bienveillance envers les autres dans nos rapports quotidiens."

"Après le 11 septembre, beaucoup d’Américains ont remis en question leurs valeurs de performance et le métro-boulot-dodo. On a recommencé à aller souper chez des copains comme ça, sans raison, simplement pour passer du temps ensemble. Je trouve qu’il y a un peu de cette résonance-là dans cette pièce. Elle dépeint une humanité performante dont le coeur s’assèche."

L’auteur situe d’ailleurs l’action d’Après la pluie dans une ville plongée dans une sécheresse depuis deux ans; à tout moment un orage menace d’éclater. "La nature est omniprésente dans la pièce de Sergi Belbel, remarque Nadeau. On sent que le ciel est bas et lourd, de plomb. On entend le tonnerre. On voit des éclairs. Et le vent est presque un personnage. Même s’il y a beaucoup d’humour, il ne faut pas sacrifier le propos au comique. Il y a continuellement un drame sous-jacent. Les personnages sont inquiets, fébriles, en attente de la pluie qui tarde. L’environnement les touche: ils sont toujours sur le bord de tomber, ils ressentent le vertige, la griserie, l’ivresse…"

Pas reposante, la vie de bureau!

Du 20 février au 30 mars
Au Théâtre Jean-Duceppe