

Guylaine Savoie : Regard intérieur
Fascinée par l’imaginaire symboliste, la chorégraphe GUYLAINE SAVOIE présente Méduse ou la tête à Gorgô, une nouvelle pièce solo concoctée avec minutie, qui table sur une utilisation originale de la vidéo pour nous permettre d’entreprendre un voyage intérieur en direction de cette "grotte de l’inconscient" creusée en chacun de nous.
Valérie Letarte
Anciennement chorégraphe-interprète et même cofondatrice du collectif Brouhaha Danse, danseuse par la suite pour Carbone 14, Guylaine Savoie a depuis fondé sa propre compagnie. Son premier solo, Les chiens aboient… la caravane passe, fut suivi, il y a trois ans, par Le Portrait. Sa nouvelle pièce, Méduse ou la tête de Gorgô, est créée ce soir à Tangente. "Je ne raconte pas le mythe de Méduse comme tel. J’ai gardé ce qui me semble essentiel, ce que signifie ce regard qui pétrifie, annonce la chorégraphe aussi volontaire que volubile. Pour moi, c’est la peur de regarder la réalité, la peur de son propre regard sur soi, la peur des choses enfouies en nous. C’est ça, la symbolique de Méduse. En psychanalyse, c’est un mythe qu’on interprète comme étant la dualité, et cette dualité m’a intéressée. Le déchirement entre l’ombre et la lumière, car il ne faut pas oublier que Méduse est la gardienne des ombres."
Outre sa fascination pour l’imaginaire symboliste, ce qui caractérise le travail de Guylaine Savoie depuis son second solo, c’est l’utilisation originale et raffinée de la vidéo. La vidéo qui, agissant comme un second personnage, transforme presque le solo en duo. Avec cette troisième chorégraphie, elle a voulu aller encore plus loin. "La vidéo, je l’ai abordée, disons, d’une façon plus organique… J’utilise beaucoup le plancher, le fond de scène et aussi des projections sur moi. J’ai choisi des images qui ont un rapport avec les éléments – l’eau, le feu -, des images de volcan… On a monté tout ça pour donner l’impression qu’on est dans une espèce de grotte de l’inconscient."
Derrière le spectacle minutieusement concocté, on ne peut passer sous silence la collaboration précieuse de Georges Léonard, qui a aussi travaillé sur Le Portrait. Guylaine Savoie ne tarit pas d’éloges: "Je ne pense pas, honnêtement, que j’aurais pu faire tout ce travail sans lui. Il m’aide évidemment beaucoup pour tout ce qui est technique. Il fait la caméra, le montage et conçoit aussi certains accessoires, sans oublier toute son expérience au cinéma, les trucs du métier qu’on peut transposer à la danse. On travaille avec des budgets minuscules, mais on trouve toujours des idées, des façons de se débrouiller avec trois fois rien! Georges a la tête aussi dure que moi, déclare Guylaine Savoie en riant. Tant qu’on n’est pas satisfaits du travail, on continue. Souvent, ça nous a amenés à faire des 18 heures par jour. Faire le maximum avec le minimum, c’est nous autres, ça! Avec rien, faire des miracles!"
À Méduse ou la tête de Gorgô, qu’on a programmée quatre soirs à Tangente, on a eu la bonne idée de jumeler Le Portrait, créée en 1999, et reprise l’an dernier. "C’est une pièce qui a beaucoup gagné en maturité, et je crois que ce qui est intéressant dans ce programme, c’est que sur le plan de l’interprétation, pour le public et pour moi comme danseuse, ça couvre toute une gamme d’ émotions. Le Portrait, c’est intérieur, très précis, cristallin… Méduse, c’est une espèce de montée d’énergie, de feu… Une compression sur le bord de l’éclatement. On passe du doux, du subtil, au très animal, enragé… Dans la forme, ça se ressemble, mais dans la façon d’utiliser les images, on passe vraiment d’un monde à l’autre."
Du 28 février au 3 mars
À Tangente