

Le Chant du dire-dire : La ligne du risque
"On s’aventure au théâtre pour se soumettre à une expérience; c’est une nourriture de l’âme, avance ROLAND LEPAGE. Dans notre monde de consommation, de rentabilité, le théâtre est un acte gratuit, un événement unique. C’est beau; ça vaut la peine."
Marie Laliberté
Monsieur Bedondaine de toute une génération, Roland Lepage s’apprête à se glisser, pour son quatrième rôle cette saison, dans le personnage de Rock, du Chant du dire-dire. Cheveux teints en roux pour l’occasion, le comédien n’hésite pas à plonger une fois de plus – après Celle-là en 1999 et Mille anonymes en 2001 – dans l’univers unique de Daniel Danis, dans ce qu’il appelle, avec le metteur en scène Gill Champagne, du "théâtre à risque" (ancien nom d’un festival de théâtre). Échappant au réalisme et à la linéarité, les pièces de Danis procèdent un peu à la façon des songes, procurant au spectateur ce que l’auteur nomme des "clefs d’incompréhension". "Pendant les premières minutes d’une pièce de Danis, les spectateurs sont étonnés. Puis, des personnages et des mots arrive une émotion diffuse et tout à coup, les gens sont aspirés là-dedans. Ça fait surgir des choses dans l’inconscient; ça va très loin. Ça ouvre des portes, mais on ne sait pas de quelle façon."
Créé en 1998, Le Chant du dire-dire présente trois frères racontant, parfois comme un rituel, leur histoire. Après la disparition de leurs parents lors d’une tempête, ils "ont revendiqué le droit de vivre chez eux. Ils ont vécu en autarcie, si on peut dire, développant une espèce de monde mythique. Dans le village, ils passent pour des fous, des dérangés."
Au centre de leur vie: leur soeur, partie, attendue, revenue. Aussi, une "machine mystérieuse"… "Quand ils étaient jeunes, ces enfants ne parlaient pas, explique Roland Lepage. La mère a inventé une espèce de machine en cuivre: le dire-dire. C’était une sorte de boîte dans laquelle les enfants disaient des mots; ils ont appris à parler avec ça. Le décor est tout entier le dire-dire: c’est une métaphore."
Célébration de la mémoire, du langage, Le Chant du dire-dire reste mystérieux, même pour son interprète. "On se pose toutes sortes de questions. Je suis quoi là-dedans? Je suis vivant ou je suis mort? Je suis un être réel ou je suis un être irréel? La soeur, est-ce qu’elle est jamais revenue? On ne sait pas."
Quels que soient son âge ou son expérience, jouer un tel texte représente une aventure; dans laquelle Roland Lepage s’engage avec joie. "Je fais toujours confiance au metteur en scène. J’arrive avec une disponibilité totale, en disant "moi je suis prêt à tout. Demande-moi de me jeter par terre, demande-moi de m’habiller n’importe comment, demande-moi de me teindre les cheveux: je vais le faire. Mais seulement, guide-moi, par exemple.""
"Jouer Danis, c’est sûr que ce n’est pas sécurisant, poursuit-il. Alors évidemment, ça demande une dose de confiance, une dose d’humilité aussi; mais j’aime ça. Je pourrais me dire je veux faire quelque chose de plus pépère, je ne veux pas me fatiguer à jouer ça, à vivre ces angoisses-là. Je pourrais choisir de faire des petites choses tranquilles. Non. Je trouve que ce genre de travail est merveilleux, parce que ça crée en même temps une espèce de solidarité… C’est un sport extrême!; un défi. Et relever des défis, c’est toujours stimulant; et c’est ça qui tient jeune aussi. L’aventure du théâtre, c’est ça: explorer l’inconnu, un univers très poétique, où on se sent comme des éléments d’un tout qui va beaucoup plus loin que ce que nous faisons individuellement."
L’équipe est complétée par les comédiens Linda Laplante, Guy Daniel Tremblay, Jean-Guy Viau et les concepteurs Yves Dubois, Jean Hazel, Catherine Higgins.
Du 5 au 30 mars
Au Théâtre Périscope
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