Annabel Soutar / Alex Ivanovici : Le blues du businessman
Scène

Annabel Soutar / Alex Ivanovici : Le blues du businessman

L’auteure Annabel Soutar et le metteur en scène Alex Ivanovici pratiquent un art très rare au Québec: le théâtre documentaire.

Ils avouent avoir un petit côté journaliste, examinent avec intérêt le magnéto posé sur la table, puis confient en posséder une réplique exacte. L’auteure Annabel Soutar et le metteur en scène Alex Ivanovici pratiquent un art très rare au Québec: le théâtre documentaire.

Après avoir sillonné la province durant la campagne électorale de novembre 1998 pour recueillir les témoignages présentés dans le très remarqué Novembre, ils ont pointé leur enregistreuse en direction de la Bourse de Montréal. Une fois dans le ventre du dragon, ils ont posé aux cambistes des questions simples, et récolté des réponses compliquées, évasives ou comiques, reprises telles quelles dans leur nouveau show bilingue, 2000 Questions. Attention, toute ressemblance avec des personnes réelles n’est pas fortuite…

L’idée leur trottait dans la tête depuis un moment: Annabel, pour mieux comprendre son père, qui gagne – ou perd, selon les jours – sa vie dans le domaine, et Alex, pour découvrir comment tout le monde – jusqu’à son boucher! – en est venu à acheter des actions, avec le même détachement que s’il s’agissait d’un billet de 6/49. "C’est une quête sur la perception de la valeur", résume-t-il. Si les célèbres Vagina Monologues, par exemple, sont inspirés d’entrevues, le tandem, lui, a carrément repris mot pour mot des extraits d’entretiens, sans inventer une seule réplique. Rien ne semble trop banal aux artistes-enquêteurs, convaincus que "le drame humain se jette partout". "Nous avons fait un travail de montage, et ajouté à cela un personnage fictif, Helen, qui pose les questions", précise la cofondatrice de la compagnie Projet Porte-Parole.

Quand on travaille une vingtaine de mois à un projet qui ne rapporte pratiquement pas un sous, que pense-t-on d’un milieu où une fortune peut se faire en moins de deux? "J’ai été frappé par l’énergie qui s’en dégage. Ce sont des gens speedés et curieux. Je crois qu’ils s’interrogent sur leur responsabilité, même s’ils ne l’admettent pas spontanément", amorce Alex Ivanovici. Sa collègue dit avoir découvert des êtres passionnés, obsédés même, qui parlent de leur travail comme d’un jeu et se perçoivent un peu comme des comédiens.

Ils sont pourtant plus souvent comparés à des loups, ou même à des requins, qu’à des amuseurs publics. "Je crois qu’un mur sépare aujourd’hui la gauche de la droite", reconnaît Annabel Soutar. Nous offrons un portrait des gens qui se situent plus à droite, pour initier un dialogue. Après tout, ce sont des êtres humains, même s’ils aiment l’argent above all! On joue les devil’s advocates en donnant une voix à ces vilains, avance-t-elle avec un sourire, dans un franglais bien montréalais. On espère ainsi permettre au spectateur d’aller au-delà des stéréotypes."

Sur scène, sept comédiens bilingues (plus de la moitié du spectacle se déroule dans "la langue des affaires") se glisseront dans la peau d’une trentaine de personnages, tandis qu’une D.J. rythmera leurs propos. En donnant la parole à ceux qui ont leur bureau en haut d’une tour, les deux artistes souhaitent les rendre plus humains aux yeux des gens de la rue. Grâce à cette initiative, les hommes et femmes d’affaires auront, enfin, l’occasion de pouvoir dire pourquoi ils existent…

Du 20 mars au 6 avril
À la Cinquième salle de la Place des Arts