La Bibliothèque de Constance : Théâtre à thèse
La nouvelle pièce de Marie-Eve Gagnon débute comme un thriller psychologique, et se transforme bientôt en débat existentiel à la sauce féministe.
La nouvelle pièce de Marie-Eve Gagnon débute comme un thriller psychologique, et se transforme bientôt en débat existentiel à la sauce féministe. Créée dans une mise en scène de Diane Dubeau, La Bibliothèque de Constance se révèle une oeuvre hybride et gauche, du théâtre à thèse qui n’ose dire son nom, maladroitement emballé dans un suspense psychologique cousu de fil blanc.
Souffrant de crises boulimiques depuis 15 ans, Constance (Lyne Rodier) se consacre ironiquement au soin des filles anorexiques. Une étrange étrangère (Priscillia Roger) fait irruption chez elle, femme que le médecin ne reconnaît pas mais qui prétend être une ancienne camarade d’études. L’inconnue semble tout connaître de la vie de Constance, et lui impose bientôt un singulier marché: le retour de sa fillette, kidnappée à l’école, contre une conversation à coeur ouvert.
L’intruse oblige Constance à regarder en face les sources de sa maladie. Et bien vite, on se rend compte que la pièce vise à interroger plus largement la place dévolue aux femmes dans le monde, leur image d’elles-mêmes. Accusant 2000 ans de civilisation – symbolisée par la bibliothèque de Constance -, l’étrangère conteste les conditionnements d’une culture où une femme "existe moins qu’un homme" et ses ravages sur la psyché d’une femme en apparence accomplie, qui vit dans l’illusion d’être libre.
Une liberté que ne consent guère l’auteure de Trois Sombres Textes pour actrice éclairée – pièce autrement plus ludique – à ses personnages, qui semblent plutôt prisonniers d’une rhétorique imposée, et de dialogues discursifs.
Et encore, si le texte nous offrait suffisamment d’idées nouvelles pour soutenir l’intérêt! Malgré quelques pistes de réflexion, guère développées, on ne dépasse pas beaucoup les clichés d’usage. Peu de surprises non plus dans cette conversation en flash-back, où l’on découvre des jeunes filles réticentes à l’idée de devenir femmes dans ces conditions-là. Ajoutons que les actrices ont une manière bêtifiante de jouer enfants ou ados qui agace…
L’autre problème se situe au niveau de l’artificielle intrigue-prétexte: malgré les efforts des deux comédiens (Daniel Desputeau interprète le mari désemparé qui ne comprend rien au comportement de sa femme), on a du mal à croire à cette dramatisation convenue, aux allures de mauvais film.
Appel à une révolution de l’esprit, tentant de ramener le féminisme à un combat plus intérieur, le vaste thème de La Bibliothèque… est important, sans doute. Mais encore faut-il trouver une forme intéressante et convaincante pour l’incarner dramatiquement.
Jusqu’au 30 mars
À la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui