Critique: High Life : Au Théâtre de la Bordée
Un plateau presque nu, occupé, sur les côtés, par de hauts grillages; le tout, éclairé par une lampe très forte, évoque dès l’abord un pénitencier. Image du passé ou du futur?
Jusqu’au 13 avril
Au Théâtre de la Bordée
Un plateau presque nu, occupé, sur les côtés, par de hauts grillages; le tout, éclairé par une lampe très forte, évoque dès l’abord un pénitencier. Image du passé ou du futur? Sûrement un peu des deux: entre leurs séjours en prison, les personnages de High Life inventent combine sur combine. Ils ont besoin d’argent pour se procurer de la morphine, leur plus court chemin vers le high. Bien-être peu durable, toutefois, et dont la brièveté plonge chaque fois Dick, Donnie, Bug et Billy un peu plus profondément dans le cercle du manque.
Voilà ce que montre, efficacement, la production High Life. Par son décor (Christian Fontaine), très simple, évoquant l’emprisonnement, au propre et au figuré dans la pièce. Par sa mise en scène (Lorraine Côté), inventive, s’appuyant sur le mouvement de meubles sur roulettes pour changer de lieu et illustrer l’effet de la drogue, et misant grandement sur le jeu et les mouvements des personnages – nerveux quand ils sont en manque, au ralenti et amplifiés quand ils ont eu leur dose. Par le jeu des comédiens, excellents, incarnant avec énergie et conviction ces personnages qu’ils savent rendre attachants.
Par la construction de la pièce, enfin, dont la structure suggère l’éternel recommencement d’une vie dont le but est la prochaine injection. Le texte ne juge pas ces quatre morphinomanes; il les présente avec humanité et les rend sympathiques, montrant que leur dépendance, qui les durcit parfois, ne les empêche nullement de nourrir des rêves, de respecter certains principes – ils ont un code, une morale -, d’éprouver de l’amitié, de s’amuser et d’être même, quelquefois, presque candides. On rit devant les situations, devant les réflexions et les traits de ces personnages très différents; on est en même temps touché par la dure réalité que peint Lee MacDougall.
Toutefois, s’il est nécessaire, pour bien camper les personnages et établir clairement leurs relations, de montrer longuement leurs discussions, certaines anecdotes, pour amusantes qu’elles soient, apparaissent superflues, n’apportant rien de plus à l’ensemble (par exemple, le vol de Bug dans sa ville natale). Davantage ramassé, le texte, semble-t-il, serait plus percutant, et éviterait quelques longueurs qui masquent par moments la force de la mise en scène et de l’interprétation.
Il reste que Lorraine Côté et ses interprètes (Denis Lamontagne, Jacques Leblanc, Francis Martineau et Patric Saucier) livrent là un quatuor pour le moins… décoiffant.