Howie le Rookie : Ils jouent avec les loups
Scène

Howie le Rookie : Ils jouent avec les loups

À La Licorne, Howie le Rookie raconte l’histoire de deux jeunes loups qui partagent un même patronyme. Un univers urbain et très noir qui évoque un peu les Contes urbains. Et un morceau de bravoure pour deux solides comédiens.

À La Licorne, les univers irlandais se suivent et se ressemblent… un peu, le rire y côtoyant avec constance l’horreur. Succédant à la sournoise cruauté maternelle de La Reine de beauté de Leenane, voici la violence frontale, la vulgarité et la langue sans euphémisme des rues dublinoises. Sauf que la pièce de Mark O’Rowe plante incontestablement un univers mâle: toutes les femmes ou presque y sont traitées de salopes…

Howie le Rookie raconte l’histoire de deux jeunes loups qui partagent un même patronyme. Ennemis hier, amis aujourd’hui, bourreau puis victime: la roue tourne vite dans les rues de Dublin. La violence semble presque s’engendrer elle-même dans ce monde sordide, et relever davantage du mode de vie et de la pulsion du mouvement que d’une raison valable. La vengeance comme principe vital: faire payer quelqu’un pour ses souffrances, coûte que coûte. Pour Howie, l’important, c’est "d’être après quelqu’un".

Le prétexte qui met le feu aux poudres semble futile, presque absurde (la transmission de la gale, par matelas interposé…), mais pas si on survit selon les termes d’un code d’honneur viril, où une humiliation ("son père l’a vu la poche rasée"…) exige une brutale réparation. Cette honte provoquera une sorte de réaction en chaîne tragi-comique, qui culminera en une bagarre aux proportions épiques, presque surréalistes.

Avec leur trinité profane d’urbanité, de noirceur grinçante et de crudité, les monologues de Howie le Rookie ne sont pas loin d’évoquer deux longs Contes urbains. Peuplée d’une faune bariolée répondant à des surnoms descriptifs, la pièce mise en scène par Fernand Rainville défile un récit compliqué et rapide, qui est mi-raconté, mi-joué, aux ambiances découpées par la musique et l’éclairage.

C’est le violent Howie (Claude Despins, solide, malgré quelques hésitations le soir de la première) qui part le bal en racontant sa portion de l’histoire. Une histoire qui connaît une chute tragique, aux accents punitifs, et qui incitera Howie à se lancer dans une vendetta extrême où défendre le Rookie deviendra une sorte de façon de réparer ses torts…

Prenant le relais du récit, Maxime Denommée donne encore plus de crédibilité à son personnage de p’tit baveux conscient de ses charmes, qui cherche désespérément un moyen d’échapper à la méchante raclée qui lui pend au-dessus de la tête.

Morceau de bravoure un peu abracadabrant, dépendant entièrement de la capacité d’évocation des comédiens, la pièce n’est pas sans connaître certaines baisses de tension, et ne soutient pas l’intérêt également.

Mais au-delà de son intrigue, Howie le Rookie est d’abord une course haletante dans les méandres d’un univers urbain, une chevauchée sur le dos d’une langue rythmée et concise, vivante, incarnée, comme s’il n’y avait pas de distance dans le temps entre l’action et la narration. Le jeune O’Rowe déploie un don certain pour l’image, pour faire naître en quelques mots un climat, un personnage, une situation. Une sonorité, une certaine poésie brute que la traduction d’Olivier Choinière semble reconduire, même si elle voyage parfois, étonnamment, dans les niveaux de langage (comme le texte original?), entre la langue vernaculaire et des termes comme "dangerosité".

Où cela mène-t-il? À quoi toute cette violence rime-t-elle? Je n’en suis pas bien sûre, mais disons que le périple ne manque pas de couleur…

Jusqu’au 27 avril
À La Licorne