Pascal Contamine : Théâtre d'horreur
Scène

Pascal Contamine : Théâtre d’horreur

Quel esprit tordu peut accoucher d’une pièce de théâtre qui s’intitule Oportet… De la nécessité de l’hérésie et de la musique pygmée?

Quel esprit tordu peut accoucher d’une pièce de théâtre qui s’intitule Oportet… De la nécessité de l’hérésie et de la musique pygmée? Celui du comédien et metteur en scène Pascal Contamine, même s’il hésite à l’avouer, ayant signé son texte d’un nom de plume, Henry Scott! Cette création à saveur scientifique met en scène un cadavre qui commente, depuis une table de dissection, la valse-hésitation d’un couple de chercheurs tentés d’avoir recours au clonage pour ressusciter leur bambin. Si le titre intrigue, le reste du programme s’annonce tout aussi étonnant puisque, comme l’a découvert l’auteur, plus on s’informe sur les biotechnologies, plus on a l’impression de nager en pleine science-fiction. Bienvenue dans le laboratoire d’un artiste qui a décidé de plonger dans le théâtre d’horreur…

Pascal Contamine est convaincu qu’il est de son devoir d’encourager l’engagement social. Rencontré après plus de huit heures de répétition, il en passera une autre à tenter de résumer le plus fidèlement possible un projet complètement délirant, dont l’idée lui est venue en épluchant les journaux. C’était ça ou une pièce sur la Palestine, confie le très conscientisé créateur. Il s’est inspiré de la locution latine Oportet heareses esse (il faut qu’il y ait des hérétiques) pour mettre en lumière l’inversion des rôles qu’il dit être en train de s’opérer. Déclarés hérétiques par les catholiques au Moyen-Âge, les scientifiques seraient aujourd’hui ceux qui ont le pouvoir de mettre hors circuit les empêcheurs de cloner en rond qui osent questionner leurs pratiques.

Métaphorique à l’os, selon son instigateur, l’abracadabrante aventure fera voyager le spectateur entre le rêve et la réalité, le cauchemar et l’horreur, sans qu’il ne puisse départager le vrai du faux. Le tout a été conçu un peu comme une impro à la manière de Lynch. Loin d’être un fan du controversé réalisateur, Pascal Contamine s’est laissé gagner par l’enthousiasme des comédiens (dont plusieurs ont tâté du cinéma) qui souhaitaient en faire leur guide, "pour son côté poétique, métaphorique, vraiment perturbant".

Il y a un an, le collectif CIRRAM (Centre international de recherche et d’action artistique et multimédia) avait frappé un grand coup avec sa première création, Five Wolf Deavtov Circus. Signée Tornado Ricci (un autre pseudonyme de Contamine), cette farce philosophique de trois heures (qui devrait être reprise en mai) aux allures de cirque décadent était jouée par d’excellents comédiens, dont deux sont de retour dans Oportet... Il faut dire que lorsque Pascal Contamine recrute, il le fait selon ses propres critères. Ainsi, pour Five Wolf…, il a embauché un comédien qui avait besoin d’un travail pour obtenir le droit de rester au pays, sans l’avoir vu jouer avant! "Le jeu, je m’en fous un peu, ce qui compte, c’est la passion." Cette fois, nous verrons sur scène Annick Bourassa, Marc Beaupré, David Boutin, Denis Gravereaux, Jean Robert Bourdage, Manuel Aranjuiz ainsi que Sacha Samar, "pour sa passion qui rayonne autrement que par une prononciation impeccable".

Leur but: créer un malaise. "Pour moi, ressentir quelque chose sans pouvoir le nommer, c’est cela, la poésie, avance celui qui s’est fait connaître dans les pièces de Wajdi Mouawad. Je veux raconter une histoire, d’abord, mais aussi faire réfléchir sur la notion de terrorisme, les rapports de pouvoir et les biotechnologies." Éveiller les consciences, pour vivre dans un monde meilleur plutôt que dans le meilleur des mondes…

Jusqu’au 21 avril
Théâtre La Chapelle