Critique: Après la pluie : Sur un toit brûlant
Scène

Critique: Après la pluie : Sur un toit brûlant

Satire du monde du travail, image de la frénésie contemporaine, Après la pluie de Sergi Belbel, coproduction du Théâtre Niveau Parking et de la Compagnie Jean Duceppe, nous fait rencontrer huit personnages, employés d’une grande firme. Bon gré, mal gré, ils se croisent et se parlent, sur le toit du très haut immeuble où ils travaillent. Défiant le règlement – et risquant leur emploi -, ils s’y glissent pour fumer,

Jusqu’au 27 avril
Au Théâtre Périscope

Satire du monde du travail, image de la frénésie contemporaine, Après la pluie de Sergi Belbel, coproduction du Théâtre Niveau Parking et de la Compagnie Jean Duceppe, nous fait rencontrer huit personnages, employés d’une grande firme. Bon gré, mal gré, ils se croisent et se parlent, sur le toit du très haut immeuble où ils travaillent. Défiant le règlement – et risquant leur emploi -, ils s’y glissent pour fumer.

Détail symptomatique du peu d’importance accordé à l’individu dans l’entreprise, chacun est uniquement désigné par sa fonction. Dès les premières répliques, on devine la solitude des personnages – le programmeur et le chef exécutif n’arrivent pas à se parler, à prononcer les mots importants -; on sent aussi leur tension, qui se décharge souvent en agressivité – vive discussion entre les secrétaires blonde, brune, châtaine et rousse.

La pièce, constituée d’une série de courts tableaux, se déroule sur la terrasse du 49e étage; derrière, un ciel de nuages gris annonce l’orage. Chaque scène livre quelques éléments sur les personnages, leurs relations et la vie de bureau, à travers anecdotes et prises de bec. Sur le toit, en plus de fumer, ça médit, ça magouille; et ça fantasme: attirance du vide pour y jeter… soi, ou les autres.

Observations pertinentes, jeu vif, personnages bien campés; l’ensemble, pourtant, laisse vaguement insatisfait. Peut-être manque-t-il à la pièce le levain pour que soit mieux réussie la montée dramatique, qui progresse un peu en dents de scie. Peut-être manque-t-il au texte la part de chair qui donnerait plus de profondeur aux personnages très caricaturaux, qui nous atteignent peu. Car si certains changent, se libèrent ou s’enlisent, la plupart ne se révèlent pas. On aimerait que chacun livre son "secret", ce que font, entre autres, le chef administratif et la secrétaire châtaine. Ils en deviennent beaucoup plus consistants.

En entrevue, Normand Lévesque expliquait qu’Après la pluie dépeint notre monde, à certaines valeurs près, notamment l’importance qu’on y accorde à la hiérarchie. On le sait: la hiérarchie au Québec n’est jamais aussi lourde que ce qu’elle est en Europe. Doit-on y voir une autre clef de la distance ressentie devant cette production pourtant pleine d’énergie? Chose certaine, une adaptation de la pièce pour le Québec – ce que n’a pas autorisé l’auteur – aurait été à propos.