Anne Roumanoff : Femme de personne
Scène

Anne Roumanoff : Femme de personne

Si Anne Roumanoff était peintre, elle serait sûrement une excellente portraitiste. Mais son art, c’est l’humour, et son pinceau, c’est son corps, sa voix haut perchée, son visage expressif.

Si Anne Roumanoff était peintre, elle serait sûrement une excellente portraitiste. Mais son art, c’est l’humour, et son pinceau, c’est son corps, sa voix haut perchée, son visage expressif. Des instruments que la Française utilise à merveille pour camper une galerie de personnages souvent craquants de vérité et juste assez caricaturaux pour faire rire.

Déridant Paris – au Théâtre Bobino – depuis deux ans, son spectacle À la Roumanoff termine sa route à Laval (pourquoi pas à Montréal?) et dans cinq autres villes québécoises. Une belle occasion de voir l’humoriste à son meilleur.

Le territoire miné du quotidien est une petite mine aux trésors pour Anne Roumanoff. Le couple, bien sûr, un thème qu’elle parvient à aborder d’une façon qui ne semble pas rabâchée, mais aussi les absurdités de notre rapport chaotique à la technologie, l’obsession des aliments bio, le vieillissement de la population.

Amusants, fins et observés avec justesse, ses textes – écrits en collaboration avec sa mère, Colette – se concluent parfois par des chutes un peu faibles. Mais même quand le numéro frôle d’un peu trop près le banal (celui, mignon malgré tout, sur la bambine qui refuse de dormir), l’interprétation élève le tout.

Qu’elle incarne une concierge renfrognée en "hibernation d’hommes", une Jane Birkin à l’accent parfait chantant les produits ménagers, une pré-adolescente qui donne un party et a honte d’avoir un père, ou un incroyable défilé d’aspirantes baby-sitters, l’humoriste qui a longtemps rêvé de théâtre "sérieux" est une comédienne accomplie. Travaillant généralement sans costume et avec peu d’accessoires, la dame à la robe écarlate et à la coiffure hérissée se transforme avec une facilité déconcertante.

Roumanoff s’est dite redevable à sa metteure en scène Louise Latraverse pour sa nouvelle "efficacité" scénique. Et peut-être pour l’occasionnelle "québécisation" de ce spectacle qui dissémine les références locales (Jean-Luc Montgrain, même la ligne de Jojo Savard, plutôt datée)? Sympathique mais un peu artificiellement plaqué.

D’autant que l’humoriste prouve dans certains numéros qu’elle sait susciter la complicité du public. Celui, hilarant, où elle campe une psy venue enseigner aux profs des techniques pour survivre aux classes difficiles, et le sketch final où elle se métamorphose en Harmony, gourou d’une secte américaine. Je la préfère pourtant dans l’incarnation de personnages plus "ordinaires".

Dans un monde de superwomen, Anne Roumanoff se fait souvent la championne des personnages vulnérables, démunis: épouse quittée, mère désemparée ou coiffeuse déprimée, qu’elle interprète avec un mordant qui n’exclut pas la sympathie.

Les 25 et 26 avril
À la Salle André-Mathieu à Laval