Critique: La Dernière Lune : Au Petit Théâtre de Québec
Un juif et un nazi se font face dans La Dernière Lune, pièce de l’auteur et comédien Serge Bonin créée ces jours-ci par le Théâtre du Palier. Si nombre d’oeuvres transmettent la mémoire d’une des grandes horreurs du XXe siècle, ce n’est pas un chapitre supplémentaire ou un chapelet de redites que propose l’auteur.
Jusqu’au 27 avril
Au Petit Théâtre de Québec
Un juif et un nazi se font face dans La Dernière Lune, pièce de l’auteur et comédien Serge Bonin créée ces jours-ci par le Théâtre du Palier. Si nombre d’oeuvres transmettent la mémoire d’une des grandes horreurs du XXe siècle, ce n’est pas un chapitre supplémentaire ou un chapelet de redites que propose l’auteur. Il n’est pas surtout question, dans cette pièce, de l’opposition de deux peuples, mais de la confrontation de deux êtres que tout sépare – ou presque.
La situation est d’une effrayante simplicité: pendant la Deuxième Guerre mondiale, deux condamnés à mort partagent une cellule, dans l’attente de leur exécution à l’aube; on a promis la liberté à qui assassinera l’autre. Si, dans un court passage, le texte devient presque didactique, l’auteur, s’inspirant d’un fait réel, parvient à éviter clichés et simplifications; il se concentre sur les personnages et leur évolution, crédible bien que condensée, représentation oblige. Graduellement, le juif Ismaël et Hans, nazi accusé de trahison, parcourent le dur chemin vers l’aube, passant de la méfiance, entre rancoeur et mépris, à la découverte, au-delà de la haine, de leur humanité formée de souvenirs, de petites joies, de souffrance et d’amour. Formée, aussi, de peur devant la mort. Dépassant l’anecdote, l’auteur fait de cette rencontre l’image de tout conflit au nom de la race ou des convictions, et propose, à travers l’action, une réflexion sur la fraternité.
Le texte, tant par sa construction que par sa facture, est solide. Présentée dans un décor simple (Jean-François Labbé) – une cellule en demi-cercle, vide -, et un éclairage tantôt cru, tantôt sombre, la pièce, au rythme impeccable, repose sur les deux comédiens qui la portent avec grande conviction, énergie et ferveur. Serge Bonin (Hans) et Hugo Turgeon (Ismaël) rendent de façon palpable la tension des personnages; ils offrent une interprétation assurée et pleine de nuances, de la révolte à l’effroi, de la colère à la fragilité. Les comédiens assument aussi, sous la supervision de Vincent Champoux, la mise en scène qui, malgré quelques passages moins habiles, s’avère directe et efficace.
Le Théâtre du Palier, misant sur le jeu et la simplicité des moyens, privilégie les textes présentant des relations fortes entre les personnages. Après Monsieur Lovestar et son voisin de palier l’an dernier, la compagnie tient, une fois de plus, son pari d’intensité.