Le Vent et la Tempête : Libre penseur
Scène

Le Vent et la Tempête : Libre penseur

Aux États-Unis, royaume des avocats, les grands débats sociaux semblent souvent se cristalliser dans les cours de justice, réelles et fictives. Sept décennies avant que le procès d’O.J. Simpson ne divise l’Amérique sur fond de racisme, le "procès du singe" déchirait le pays de l’Oncle Sam entre la vérité de la science et celle de la Bible.

Aux États-Unis, royaume des avocats, les grands débats sociaux semblent souvent se cristalliser dans les cours de justice, réelles et fictives. Sept décennies avant que le procès d’O.J. Simpson ne divise l’Amérique sur fond de racisme, le "procès du singe" déchirait le pays de l’Oncle Sam entre la vérité de la science et celle de la Bible. Inherit the Wind est inspiré de ce procès emblématique, intenté à un jeune enseignant. Son crime? Avoir enseigné que l’Homme descendait du singe, la théorie de Darwin étant illégale dans cette petite ville du Sud qui devait déjà sembler attardée en 1925…

Le Vent et la Tempête, c’est du théâtre américain comme l’aime la Compagnie Jean Duceppe. Une histoire forte lestée de grands affrontements, à l’ampleur cinématographique. Créée en 1955, portée à l’écran par Stanley Kramer en 60, la pièce de Jerome Lawrence et Robert E. Lee applique une recette efficace: de grands enjeux, des personnages rondement typés, une histoire d’amour (ici, assez peu convaincante), de l’humour.

Le texte est bien écrit, traversé de phrases fortes qui claquent comme des étendards ("Une idée est un monument plus imposant qu’une cathédrale"). On ne s’ennuie pas. Surtout durant la scène centrale, aussi cocasse que prenante, opposant les deux avocats antagonistes: l’athée et le preacher.

Et ce, même si la mise en scène traditionnelle de Monique Duceppe paraît accentuer la dimension schématique de la pièce, avec une agitation un peu artificielle sur scène, et une grosse distribution (25 comédiens!) très inégale, dirigée de façon plutôt caricaturale.

Au-delà de l’affrontement entre créationnistes et évolutionnistes (qui se poursuit encore, croyez-le ou non), c’est la liberté de penser qui est ici en jeu, comme le souligne l’avocat de la défense, qui se lance dans un vibrant plaidoyer en faveur de l’esprit humain. Et Le Vent et la Tempête est moins manichéen qu’il n’y paraît au premier abord. Entre les tenants de la modernité et les grenouilles de bénitier, la cause paraît entendue. Mais la pièce récuse finalement toutes les sortes de fanatisme.

Et le cynisme dénué de compassion du journaliste dandy (Serge Postigo, dans une composition amusante mais un peu forcée) n’est pas moins intolérant que le fondamentalisme religieux du créationniste dogmatique (Benoit Girard, raide comme la justice et un peu trop monolithique), entêté comme un enfant s’accrochant à une histoire qui le réconforte.

Michel Dumont campe avec force et aisance un personnage plus complexe, un athée ouvert, acharné à défendre la voie de la liberté et de l’humanisme. La leçon n’est pas anodine en 2002, alors que le fondamentalisme, d’où qu’il provienne, semble hélas! plus vivace que jamais…

Jusqu’au 18 mai
Au Théâtre Jean-Duceppe