Ubu sur la table : La grande bouffe
Comme des enfants préparant un mauvais coup, Olivier Ducas et Francis Monty ont répété leur spectacle Ubu sur la table dans une ruelle, pour le plaisir de vérifier ce qu’ils pouvaient tirer d’une bouteille, d’une lavette, d’un marteau et d’une armée de baguettes de pain.
Comme des enfants préparant un mauvais coup, Olivier Ducas et Francis Monty ont répété leur spectacle Ubu sur la table dans une ruelle, pour le plaisir de vérifier ce qu’ils pouvaient tirer d’une bouteille, d’une lavette, d’un marteau et d’une armée de baguettes de pain. Joint à Muret, près de Toulouse, quatre ans plus tard, Francis Monty confie en riant qu’il ne s’était jamais douté qu’il présenterait une centaine de fois cette adaptation culinaire d’Ubu Roi, encore moins qu’il serait invité à le faire dans la patrie d’Alfred Jarry, d’abord au Off Festival d’Avignon, puis en tournée, entre autres dans un mini-festival consacré à "Ubu en théâtre d’objets". "À l’époque, on ne savait même pas que ça existait, le théâtre d’objets!" C’est dire le chemin parcouru depuis la première food fight, livrée devant les copains de l’École nationale de théâtre, à la chic Brasserie Laurier!
De retour de cette escapade chez les cousins, le Théâtre de la Pire espèce débarque à La Petite Licorne, le temps d’y jouer le sort de la Pologne sur une table, armé d’ustensiles, de tomates et de raisins, entre autres ingrédients. Le Père Ubu, inspiré d’un professeur obtus, et son ambitieuse moitié, sont des caricatures de Macbeth et de sa Lady, tels que dépeints par Shakespeare. Des bourgeois prêts à tout pour réussir, imbéciles et indémodables… comme se chargent de nous le rappeler nos dirigeants politiques. Les deux acteurs-marionnettistes ont écourté cette grande fresque bouffonne, sabrant dans le texte sans en trahir l’esprit, assurent-ils. Pendant une courte heure, ils se mettent donc les mains dans les plats, convaincus de l’importance de livrer bataille, quitte à faire gicler la mélasse…
Qui a dit qu’il fallait des logiciels coûteux pour réaliser des effets spéciaux? Avec les objets, rien de plus facile, s’enthousiasme Francis Monty. "Ils offrent des possibilités inconnues au théâtre. C’est jouissif, parce qu’il n’y a pas de limite à ce que tu peux faire. De plus, les objets ont quelque chose de brut, ils font allusion, ils représentent. Il y a là-dedans quelque chose de très poétique." Le duo est convaincu que la contrainte alimente la créativité. "C’est stimulant d’explorer les possibilités d’un objet, de les épuiser jusqu’à ce qu’il dise enfin ce qu’il a à dire." Une bonne pincée de références cinématographiques vient assaisonner la représentation, tandis que nos deux cuistots se laisseront aller, chaque soir, à quelques moments d’improvisation.
Nul besoin d’être un pataphysicien accompli et de tout connaître des mésaventures de l’affreux Ubu pour goûter cette folle aventure, assure Monty. Il suffit d’avoir envie de rire un bon coup des cruels et couards qui sévissent encore aujourd’hui. Alfred Jarry se disait convaincu que l’indiscipline de tous les instants constitue la plus grande force de l’homme libre. En jouant avec la nourriture comme des gamins désobéissants, Monty et Ducas lui rendent un savoureux hommage.
Nous voilà mis en appétit!
Du 19 avril au 25 mai, les vendredis et samedis
À La Petite Licorne