Ubu sur la table : Crime et délire
Scène

Ubu sur la table : Crime et délire

Avec son délire, sa folie impécunieuse, ses accessoires transformés par l’imagination, ses clins d’oeil, Ubu sur la table apparaît parfois comme un lointain parent du fameux théâtre de castelet né dans l’esprit débridé de l’équipe de La fin du monde est à sept heures.

Les marionnettistes de Foufoune et Patachou, le célèbre théâtre de Budapest, auraient-ils des compétiteurs? Avec son délire, sa folie impécunieuse, ses accessoires transformés par l’imagination, ses clins d’oeil, Ubu sur la table apparaît parfois comme un lointain parent du fameux théâtre de castelet né dans l’esprit débridé de l’équipe de La fin du monde est à sept heures.

Mais ce populaire petit spectacle du Théâtre de la Pire Espèce est d’abord une adaptation très libre d’Ubu Roi. S’il s’inscrit dans la veine iconoclaste d’Alfred Jarry, ce show d’une heure a à peine réduit le texte original à son anecdote: comment, poussé par une épouse aux ambitions de lady Macbeth, père Ubu fait tuer le roi de Pologne pour s’emparer de son trône, et régner, brièvement, en despote lâche, sanguinaire et cupide.

L’essentiel d’Ubu sur la table tient dans les ressources déployées pour raconter cette farce grotesque aux références shakespeariennes, créée en 1896. Cette espèce de théâtre de cuisine (il y a bien du théâtre de salon!), jouée sur une table, fait une utilisation ingénieuse et assez saisissante des objets: père Ubu a la forme d’une bouteille pansue renfermant un liquide rougeâtre; son accorte épouse – pourtant la plus déterminée des deux – est représentée par une lavette; le solennel capitaine Bordure a la frappe d’un marteau; les souverains parlent par le bec de théières à l’envers; des cuillers en argent figurent les nobles… Après tout, l’ancêtre d’Ubu Roi, Les Polonais, une pochade de lycéens, n’a-t-il pas été présenté d’abord par des marionnettes?

Ouvrant à vue, Francis Monty et Olivier Ducas, les deux polyvalents créateurs-marionnettistes, prêtent vie éloquemment à leurs personnages inanimés, en plus d’enrichir d’efficaces effets vocaux la bande sonore de cette pièce aux emprunts cinématographiques et à l’originale esthétique… alimentaire.

Au plus fort de la bataille ubuesque, alors que s’affrontent soldats-fourchettes et tomates-bombes, on jurerait avoir affaire à deux cuisiniers fous guerroyant avec tout ce qui leur tombe sous la main, bouffe et couverts… Un délirant jeu de massacre où la dimension bric-à-brac, la spontanéité font partie du show.

Rigolo, inventif, et délibérément puéril, avec les effets vulgaires et les allusions grivoises (ah, ce tango entre une lavette et un marteau!) de circonstance, Ubu sur la table chatouille agréablement la rate et l’imagination. Reste que si le grotesque est au rendez-vous, cette farce inoffensive demeure un peu en marge de la monstruosité dérisoire d’Ubu.

Les vendredis et samedis soir
Jusqu’au 25 mai
À La Petite Licorne