École de l’humour libre : La relève de la blague
À la rescousse des âmes en peine qui ne se retrouvent plus dans un humour québécois sclérosé par la réussite, les étudiants de l’École de l’humour libre de Québec proposent une palette de performances qui s’étend d’un extrême à l’autre du spectre du rire. Soulagement.
L’industrie de l’humour au Québec est dans une forme resplendissante. Nul besoin de faire défiler statistiques et chiffres de ventes afin de le démontrer, la quantité de spectacles présentés, d’émissions télévisées consacrées au genre et d’humoristes invités dans les talk-shows prouvant avec certitude la validité de l’affirmation.
Mais la quantité n’a que peu à voir avec la versatilité, ou la qualité. Depuis plusieurs années, nombreux sommes-nous à déplorer le manque d’engagement politique et social des humoristes, souvent plus enclins à décrire un quotidien pitoyable et risible à travers des portraits qui, s’ils sont tout de même amusants et tout à fait réalistes, n’élèvent en rien la conscience humaine, ne font guère réfléchir. Le rire est instantané, mais il meurt aussi vite qu’il est né. La blague n’est plus un vecteur d’idées, ne pose plus de questions ni n’émet de constat, elle est sa propre finalité.
Nouvelles voix
On devrait donc voir l’arrivée de nouveaux finissants de l’École de l’humour libre de Québec comme une bénédiction, comme le fruit d’une pensée alternative trop rare dans le genre. "En effet, c’est une sorte de laboratoire, confirme Caroline Perron, finissante. Au cours de l’année, on a tout essayé, on a tenté de repousser les frontières, d’aller plus loin. On ne fait pas des choses qu’on nous a imposées, nous sommes guidés, mais il n’y a pas de style précis à suivre, d’où le terme libre dans le nom de l’école."
Avec son personnage de "La blonde de J.P.", Caroline Perron tente justement d’éviter les écueils de l’humour débilitant, favorisant le contenu humain et social. Un sketch sur une femme battue n’est pas exactement aussi réjouissant et facile que les sempiternelles et ennuyeuses histoires de couples ordinaires ou de familles reconstituées que nous servent les humoristes inc. "Les gens me parlent beaucoup de mon personnage, de mes textes. Ils sont surpris qu’on puisse rire de ça, qu’on puisse faire des blagues avec un sujet qui n’est vraiment pas drôle à la base", raconte-t-elle.
"On pourrait dire que son humour est très recherché, tente de décrire Geneviève Bergeron, coordonnatrice de l’école. Ce ne sont pas des jokes faciles comme on entend tellement souvent." "Je pense que j’écris des trucs qui touchent vraiment les gens, j’aime les textes concrets, affirme l’humoriste. Dans ce numéro que je fais sur la violence conjugale, je crois que je ne laisse personne indifférent. Et c’est ce que je recherche: une réaction, peu importe laquelle."
La fin des classes
Geneviève Bergeron insiste sur la variété du contenu du spectacle que présenteront les huit finissants lors du gala qui se tiendra au Cabaret du Capitole. Sans doute une résultante du vaste programme de disciplines qui leur étaient imposées. "Il y a beaucoup d’insistance qui est mise sur l’écriture, mais aussi sur le jeu sur scène, autour du personnage, du clown, et même sur le travail avec les caméras", décline-t-elle, spécifiant du même souffle qu’un programme pour débutants sera offert dès la prochaine session et que l’École ne comptera plus qu’un groupe d’étudiants pour le volet professionnel tous les deux ans.
"Parmi les six garçons et les deux filles du groupe [de finissants], il y en a de tous les styles. Certains préfèrent l’absurde, d’autres sont plus orientés vers les trucs plus crus ou le commercial, et il y a de l’humour tabou", précise Geneviève Bergeron. Mais une fois l’école terminée, reste-t-il une possibilité d’exploiter l’humour plus audacieux? "Je pense qu’il y a une place, croit Caroline Perron, mais elle est plus difficile à prendre, et en plus, c’est très difficile de rester audacieux sur le marché quand tu veux prendre et surtout garder ta place."
Le 6 mai
Au Cabaret du Capitole
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