La Veuve rusée : Une femme sous influence
Scène

La Veuve rusée : Une femme sous influence

Les comédies de Goldoni qui ont la faveur des théâtres montréalais tournent volontiers autour d’une femme libre et  forte.

Les comédies de Goldoni qui ont la faveur des théâtres montréalais tournent volontiers autour d’une femme libre et forte. C’est souvent le "deuxième sexe" qui mène le jeu chez le prolifique dramaturge italien. Mais alors que pour La Locandiera, la séduction était une arme de vengeance, La Veuve rusée, nouvellement libérée d’un vieil époux à la fois "libidineux et impuissant", utilise le jeu et la duperie afin de mieux choisir l’élu de son coeur.

Si le spectacle présenté au Rideau Vert n’atteint pas le niveau de la pièce précédemment nommée, qui fit un tel tabac il y a neuf ans au TNM, il orchestre un honnête divertissement. Jouée ici pour la première fois, La Veuve rusée se révèle une gentille comédie, qui fait surtout son sel, outre les malentendus d’usage, des stéréotypes culturels.

Car autour de la Vénitienne Rosaura (Geneviève Rochette), aussi belle que fortunée, tournent quatre soupirants empressés. Comment fixer son choix entre un comte italien (Tony Conte, fougueux) passionné mais trop jaloux; un Anglais riche et sardonique (Andreas Apergis) qui lui promet un amour éphémère; un noble espagnol (Jean Harvey) aussi orgueilleux qu’intense; et un Français (Emmanuel Bilodeau) galant mais vaniteux et affecté au possible? La veuve joyeuse mais futée mettra à l’épreuve la sincérité de ses prétendants, démasquant au grand jour leur inconstance…

Dans la traduction signée Marco Micone, certaines répliques rendent un écho assez contemporain. Cette pièce à mi-chemin entre la comédie de caractère et la commedia dell’arte joue sur la séduction, donc la mascarade des sentiments. Et avec son décor tout en jeux de miroirs carrelés, ses pantins et ses masques (créés par l’Italien Donato Sartori), la mise en scène de Guillermo de Andrea – son huitième Goldoni! – insiste sur cette dimension.

Quitte à manquer d’un peu de vivacité, le spectacle nous plonge dans l’ambiance vaguement mystérieuse (parfois subtilement relevée par la musique d’Osvaldo Montes) de Venise, "paradis du déguisement et de l’imposture". Les teintes généralement sombres de l’éclairage font contrepoint aux costumes colorés de François Barbeau.

Les personnages de La Veuve rusée sont typés, que ce soit les amoureux étrangers, dont les traits de caractère constituent des caricatures sans surprise mais amusantes, ou les figures masquées, dont un Arlequin assez vif (Guillaume Chouinard). Dans un rôle secondaire mais remarqué, la truculente Pierrette Robitaille incarne Pantalon, le vieillard lubrique qui voudrait bien épouser la jeune Eleonora (piquante Isabelle Drainville)…

Puisque la pièce se déroule à Venise, seul l’Italien est dispensé de l’accent postiche et stéréotypé. Du quatuor des mâles clichés, c’est Emmanuel Bilodeau qui se fend de la composition la plus saisissante: avec ses inflexions maniérées, ses flaflas, il compose un précieux ridicule qui aurait sa place chez Molière. Même les petits rôles des valets de ces messieurs, le laquais (turc?) infidèle campé par Reda Guerinik et le flegmatique serviteur anglais de Bernard Meney, sont plutôt amusants.

En femme de chambre au franc-parler, Ginette Chevalier n’est pas en panne de bagout. Dans le rôle-titre, Geneviève Rochette a de la prestance et de la grâce, mais la comédienne pourrait dégager plus de sensualité. Sa Rosaura n’est pas assez dominante pour vraiment tirer la pièce, qui s’en ressent un peu.

Jusqu’au 18 mai
Au Théâtre du Rideau Vert