Varekai : La vie est ailleurs
Scène

Varekai : La vie est ailleurs

Si le metteur en scène Dominic Champagne n’a pas "réinventé le cirque réinventé" avec Varekai, il en assure toutefois la continuité.

Si le metteur en scène Dominic Champagne n’a pas "réinventé le cirque réinventé" avec Varekai, il en assure toutefois la continuité. Pour sa quatorzième production depuis 1984 – et plus récente création depuis Dralion en 1999 -, le Cirque du Soleil a misé sur le changement dans la continuité, comme disent nos politiciens.

Changement surtout sur le plan de la conception artistique grâce à plusieurs nouveaux artistes qui insufflent un style à la fois baroque, festif et futuriste. Continuité dans le contenu forcément répétitif (des clowns, des trapézistes, une contorsionniste, etc.) et dans la facture théâtrale qui demeure dans la lignée des spectacles précédents.

Est-ce le meilleur spectacle du Cirque du Soleil? Sûrement pas aussi bon qu’Ô, un chef-d’oeuvre selon tous ceux qui l’ont vu; mais assurément plus achevé que Quidam ou Dralion ne l’étaient à leur création montréalaise. Si j’avais à accorder une note comme aux Olympiques, je donnerais à Varekai un 10 pour la conception artistique, et un 8 pour la technique.

Disons-le franchement: les numéros acrobatiques sont loin d’être tous également captivants, surtout en deuxième partie: le patinage corporel, le trapèze triple et la chorégraphie sur béquilles sont moins spectaculaires que les numéros de la première partie, et beaucoup trop longs. Devrait-on les enlever, les remplacer, les écourter? Il faudrait peut-être simplement les déplacer.

Heureusement pour les spectateurs qui sont là autant pour l’émotion que pour la voltige, Varekai se termine en lion avec l’impressionnante prestation d’une douzaine d’acrobates dans leur numéro des Balançoires russes qui nous donne des frissons dans le dos. Auparavant, la contorsionniste Olga Pikhienko avait brillamment défié les lois de la gravité et de la souplesse en équilibre sur des cannes; tandis que Rodrigue Proteau (eh oui! l’ex-membre de Carbone 14) et John Gilkey avaient présenté un drôle de sketch à partir d’une ampoule électrique…

Parmi les autres bons numéros, mentionnons celui des très jeunes acrobates chinois (Les Météores d’eau); les "jeux icariens" des trois frères Santos, originaires d’Espagne, en compagnie de six autres gymnastes européens; ainsi que les traditionnels numéros de clowns (une parodie du magicien Houdini et un numéro sur l’air de Ne me quitte pas, de Brel) absurdes et méchants qui semblent destinés davantage à un public adulte qu’aux enfants.

Je parlais plus haut du magnifique travail des concepteurs. La révélation de Varekai se nomme Eiko Ishioka, une conceptrice de costumes d’origine japonaise qui habite à New York. Elle collabore pour la première fois avec le cirque de Guy Laliberté, mais elle a une impressionnante feuille de route: Eiko Ishioka a travaillé au cinéma (Mishima, The Cell, le Dracula de Coppola qui lui a valu un Oscar) et au théâtre (M. Butterfly), entre autres. Elle a donné aux quelque 50 artistes et acrobates un look de superhéros étranges et flamboyants.

Le scénographe Stéphane Roy a conçu une magnifique forêt de bambous en titane qui nous transporte dans cet ailleurs suggéré par le titre (Varekai signifie "peu importe le lieu" dans la langue des bohémiens). Une passerelle en forme d’escalier qui surplombe le chapiteau et de laquelle un ange tombera.

Car le Cirque a aussi la prétention de raconter une histoire, histoire qui n’est pas toujours évidente. En gros, Varekai expose le récit initiatique d’un jeune et bel Icare qui, au début du spectacle, tombe du ciel en glissant sur un filet suspendu au sommet du chapiteau. Celui-ci va découvrir, en même temps que nous, "un lieu étrange et fabuleux où vivent d’étranges créatures qui désirent surmonter l’insurmontable".

Son aventure se termine par une grande fête et un mariage, comme dans les contes de fées ou les comédies de Shakespeare. Et l’aventure des 2600 spectateurs sous le chapiteau s’achève également dans la joie et l’allégresse. Encore une fois, le Cirque du Soleil nous montre quelque chose de beau, de grand et d’immortel. Quelque chose qui s’appelle le génie humain.

Jusqu’au 16 juin
Au Vieux-Port (Quai Jacques-Cartier)