D'amour et de danse : Secouer l'indifférence
Scène

D’amour et de danse : Secouer l’indifférence

ANDRÉ MALAKET, organisateur depuis six ans du spectacle-bénéfice D’amour et de danse, qui réunit des artistes en danse pour la lutte contre le sida, fulmine: le taux d’infection continue de croître, mais les gens ont des comportements de plus en plus à risque.

On meurt moins du sida. Tant mieux. On en parle forcément moins, aussi. Encore tant mieux, avons-nous pris l’habitude de penser, avec une pointe de lassitude.

Fatigue, ennui et indifférence suscitent la vive désolation d’André Malaket, organisateur depuis six ans du spectacle-bénéfice D’amour et de danse. Spectacle prestigieux réunissant sur une même scène plusieurs danseurs, danseuses et chorégraphes qui, pour la cause, bénévolement, dévoilent, souvent en primeur, des extraits de leurs meilleures créations. Soirée d’émotion. Et de grande qualité. L’organisateur a de quoi être fier; pourtant, malgré sa douce et chaleureuse voix, il fulmine: "Quand on s’est parlé, l’an dernier, j’étais découragé; eh bien, c’est encore pire cette année! Quoi qu’on en pense, le taux d’infection continue de croître. Depuis l’arrivée de la trithérapie, les gens sont retournés à des comportements sexuels à risque. Je dois le répéter: les six dernières années de banalisation ont réussi à nuire sérieusement à vingt ans de prévention!"

Pour tenter de combattre l’indifférence, Malaket a cru bon, l’an dernier, d’ajouter au traditionnel spectacle un volet éducatif baptisé L’art de se protéger. Durant deux jours, en plein air sur l’Esplanade de la Place des Arts, on pouvait visiter différents kiosques, participer à des ateliers, assister à des animations. Un flop. "À part les gens qui travaillent au Complexe Desjardins qui sont venus sur la terrasse pour manger leur lunch le midi, presque personne ne s’est déplacé. Quant au spectacle en salle… Malgré la très impressionnante liste d’artistes invités, on n’a réussi à vendre que la moitié des billets. Un coup dur! En faisant le bilan, on a réalisé à quel point les gens étaient tannés du sida. Je comprends, mais ça existe encore!"André Malaket a beau se dire découragé, il ne lâche pas prise. Et il peut se faire mordant. "On n’est plus effrayé par le sida parce qu’on ne l’associe plus à la mort. Mais est-ce que tu sais à quoi ressemble la vie d’une personne atteinte, qui suit son traitement? Au-delà des graves problèmes physiques, il y a aussi la discrimination, le rejet, le sentiment de culpabilité, les relations interpersonnelles complètement bouleversées…"

Pour rappeler aux jeunes, aux moins jeunes, aux homosexuels, aux hétéros, aux toxicomanes et à la femme de 40 ans qui se paye une petite aventure dans les Caraïbes qu’il y a des conséquences graves aux comportements à risque, L’art de se protéger reviendra, mais à l’automne. On remplace la fête en plein air par une immense campagne d’affichage-choc, laquelle débordera de Montréal, pour atteindre Québec, Sherbrooke et Gatineau.

Tous unis dans la danseEn attendant, pour financer cette campagne de prévention, le sixième spectacle D’amour et de danse aura lieu le 22 mai, à la Salle Pierre-Mercure à Montréal. Parmi les artistes qui ont accepté avec empressement de participer, mentionnons Anik Bissonnette, dans un solo intitulé L’amour donne des ailes, signé Frédéric Tavernini; les danseurs de Sinha Danse dans un extrait d’une toute nouvelle pièce, Thok; ceux des Grands Ballets Canadiens dans une chorégraphie de Shawn Hounsell; Annik Hamel qui interprétera un extrait de Côté cour, côté jardin, créée pour elle par José Navas; Crystal Pite, chorégraphe en résidence aux Ballets Jazz de Montréal, qui viendra danser, en solo, Old Song; ainsi que la compagnie O Vertigo, qui dansera quelques extraits de la pièce Luna.

S’ajoute au spectacle, pour la toute première fois, le violoncelliste Claude Lamothe, qui jouera D’Ouest en Est, une pièce composée en 1995 pour souligner le 20e anniversaire de Carbone 14. Enfin, pour une troisième fois, le Cirque du Soleil sera de la soirée, par l’entremise du superbe et tragique numéro de contorsion aérienne avec tissu, qu’a créé Isabelle Chassé dans Quidam. Beau programme.

"Il faut vraiment que les gens viennent cette année, insiste André Malaket avec toute la gentillesse du monde. Ce spectacle va payer la campagne d’affichage, alors ce sera finalement la campagne du public, son geste à lui à travers nous. C’est important."

Le 22 mai
À la Salle Pierre-Mercure