La Méridienne : Un fauteuil pour deux
Le magicien des microcosmes, EZÉCHIEL GARCIA-ROMEU, est de retour à Québec pour présenter son nouveau laboratoire théâtral, qui sème encore une fois le spectateur au gré des expérimentations.
Les rares chanceux qui avaient assisté, au tournant du millénaire, aux Aberrations du documentaliste s’en souviennent: un castelet microscopique, quelques accessoires et un homme qui, comme son nom l’indique, semble tout droit issu d’un conte des Mille et Une Nuits. Devant l’engouement des festivaliers, le Carrefour ne pouvait faire autrement que de garder en poche sa carte de visite; il est donc de retour avec La Méridienne, spectacle créé en 1995 sous les feux du Festival de théâtre d’Avignon.
Quoique sa démarche soit intimement liée à celle qui servait de fondation au précédent spectacle, le metteur en scène explore cette fois des rouages dramatiques différents, et une conceptualisation nouvelle de la relation entre créateur et spectateur. Cette fois, 15 personnes seulement sont conviées, pour six soirs successifs, à la fête. On les installe dans une antichambre o\ù vient les chercher Ezéchiel, les guidant un à un vers un univers onirique que chacun aura la liberté de définir selon ses attentes et sa propre interprétation. Cinq petites minutes sont consacrées à chaque spectateur, mais d’une intensité qu’on dit inimaginable. "Au fur et à mesure que j’imaginais le spectacle – dont je suis le premier public -, j’ai voulu partager avec le spectateur la sensation fascinante qu’on ressent lorsqu’on se trouve en contact direct, organique avec l’acte de création."
Ainsi, placer le spectateur en situation de surprise et de déséquilibre, soit le confronter individuellement à l’acte de création est pour Ezéchiel le meilleur moyen de partager une exploration artistique qu’il renonce à mener seul. N’entretenant aucune foi en un théâtre moralisateur ou directif, il se garde de fournir quelque réponse que ce soit à celui qui décide de le seconder dans sa quête, préférant semer avec lui les germes d’une réflexion spontanée, ouverte. "Le spectateur est amené à partager personnellement un moment de silence. Moi, je ne lui fournis que des symboles et des archétypes, qui sont le limon de l’histoire qu’il se racontera lui-même. C’est un canevas autour duquel le spectateur brodera lui-même sa propre histoire."
Si le concept est intéressant, il doit aussi s’incarner à travers le processus de la représentation. Pour servir cette dernière, Ezéchiel fait dans La Méridienne un usage déconcertant d’outils pour le moins inusités. Ainsi, sa fascination pour le miniature semble être le lieu privilégié pour mettre en forme des intuitions impalpables. À ce sujet, le créateur franco-argentin élabore: "Le miniature me fait rêver. Évoquant une rupture avec l’échelle quotidienne, il nous amène immédiatement dans un autre univers, instaure une distance non douloureuse avec la réalité, nous faisant basculer dans le registre du rêve."
Mais comment opérer un tel bouleversement d’avec les conventions en seulement cinq minutes? Ezéchiel marque un silence à l’autre bout du fil, puis conclut: "Le miniature peut nous rendre plus disponible, car avec lui, le temps disparaît, ou du moins, il se transforme. Pour moi, le théâtre n’est pas recherche d’une solution ou d’un résultat, mais fabrication d’un temps onirique dans lequel je puisse voyager librement, et découvrir l’autre."
Du 20 au 26 mai
À la Redoute Dauphine
Voir calendrier Théâtre