Jacques Jalbert : Nations unies
Les coproductions théâtrales entre l’Afrique de l’Ouest et le Québec sont aussi rares que la neige à Ouagadougou. Alors, quand l’impossible se produit, il ne faut surtout pas rater l’événement! Pour cinq jours seulement, le Théâtre Prospero accueille les Québécois, Maliens et Burkinabés réunis pour raconter la très belle histoire de Targuiya ou l’amour au temps de la guerre.
Les coproductions théâtrales entre l’Afrique de l’Ouest et le Québec sont aussi rares que la neige à Ouagadougou. Alors, quand l’impossible se produit, il ne faut surtout pas rater l’événement! Pour cinq jours seulement, le Théâtre Prospero accueille les Québécois, Maliens et Burkinabés réunis pour raconter la très belle histoire de Targuiya ou l’amour au temps de la guerre. Un spectacle créé à Sherbrooke dimanche dernier, et présenté en tournée à Montréal, Ottawa, Dégelis et Le Bic, avant de prendre l’affiche en Afrique de l’Ouest l’hiver prochain.
Au bout du fil, le metteur en scène Jacques Jalbert s’enflamme pour la pièce "absolument foudroyante" de Moussa Diagana. L’aventure africaine du directeur de la compagnie L’Aire de jeu a débuté en 1998, quand il a conçu une intervention théâtrale sur le thème de la désertification, à l’invitation du Carrefour de solidarité internationale. À sa grande surprise, des membres de l’Association Kilabo, séduits par la création présentée à Sherbrooke, l’invitent au Mali pour rencontrer des Africains intéressés à un projet de coproduction. Quelques mois plus tard, il se rend au Festival du Théâtre des Réalités de Bamako, où il rencontre Diagana, dont une seule pièce avait été créée. "Le premier contact a été extraordinaire!" En mai 2000, l’auteur mauritanien est invité au Québec pour se consacrer à l’écriture de Targuiya. Une fois terminée, la pièce coproduite par les compagnies Acte SEPT et Théâtr’Évasion est lue devant public à Bamako, puis à Montréal.
Émouvante sur papier, l’oeuvre s’annonce bouleversante sur scène. "Moussa Diagana porte en lui toute la tradition orale africaine. Même s’il a fréquenté les universités françaises et détient un postdoctorat en sociologie, il possède toujours ce don de conteur." Résultat: une ode à la paix d’une grande beauté, à la fois poétique et incarnée, simple mais imprévisible.
Cette écriture métaphorique nous lance sur la piste d’un peuple méconnu, les Touaregs, au sein duquel les femmes donnent leur nom aux enfants, et les hommes portent le voile. Eh oui! Le sociologue s’est inspiré de ces intrigants nomades du Sahara et du Sahel, côtoyés dans le cadre d’une mission, pour imaginer l’histoire d’une jeune fille touareg (une Targuiya) amnésique, condamnée à errer dans le désert avec une nourrice, après avoir accouché d’un enfant, sans savoir si le père est son fiancé, un médecin blanc ou le soldat ennemi qui l’a violée.
"Ce qui est bien avec ce projet, avance le metteur en scène de 52 ans, c’est que la rencontre entre Africains et Québécois s’est faite sur la base d’une thématique qui n’appartient ni à l’un ni à l’autre. Nous avons tous dû faire un cheminement pour mieux connaître les Touaregs, et c’est ce qui nous a unis."
Sur scène, les comédiens Danny Gilmore et Catherine Dajczman donneront la réplique à des collègues venus d’Afrique: Maïmouna Doumbia (vue au Québec dans Une hyène à jeun), Ildevert Meda et Karim Diarra. Des concepteurs d’expérience ont été recrutés, dont l’ethnomusicologue Gérald Côté, qui a capté sur le terrain des extraits de chants touaregs.
Heureux d’avoir fait de la planète son terrain de jeu, Jacques Jalbert est impatient d’observer la réaction des spectateurs. "Mon défi a été de mettre en jeu les dynamiques interculturelles à travers l’interprétation et l’organisation spatiale, et de travailler sur le dépouillement et l’authenticité. J’espère que cela va créer une espèce d’étrangeté, que le public sera transporté dans un univers inconnu. L’univers du sable, du vent et du désert infini." Dépaysement garanti.
Du 22 au 26 mai
Théâtre Prospero