Théâtre du Grand Jour : Les chemins de la liberté
Une soixantaine d’artistes, issus de différentes disciplines, ont répondu avec enthousiasme à l’invitation du Théâtre du Grand Jour à participer à un projet unique et original, Mai 02.
Décloisonnement. Ça semble être devenu le maître mot des jeunes troupes montréalaises, si promptes à sortir, non seulement des cadres conventionnels du théâtre, mais aussi des théâtres eux-mêmes, pour investir la ville librement.
La liberté est au coeur du projet Mai 02, concocté par le Théâtre du Grand Jour: des représentations pour un seul spectateur, trimballé entre différents lieux inusités! L’idée a germé à l’issue du Sommet sur l’engagement, organisé à l’automne 2000. Le bilan de cette rencontre entre 75 créateurs? L’impossibilité de dégager un consensus chez la génération des enfants des baby-boomers. "Peut-être parce qu’on est déjà libre, et qu’on ne sait pas quoi faire avec cette liberté acquise", avance Sylvain Bélanger, le directeur du Grand Jour, un théâtre enclin à la réflexion sociale. D’où l’envie de parler de liberté. "Et, puisque la collectivité est si difficile à cerner, pourquoi ne pas l’aborder à l’inverse par un individu à la fois, faire de chaque spectateur la place publique?"
"Cet événement est une façon de questionner l’absence des artistes dans les débats de société, dit le comédien Claude Despins, l’un des organisateurs. On est tous dans des logiques de carrière, on est des PME… Comment retrouver notre rôle de citoyen, impliqué dans la société?"
Une soixantaine d’artistes, issus de différentes disciplines, ont répondu avec enthousiasme à l’invitation. Le spectateur a le choix entre trois trajets, composés chacun de quatre arrêts. Les départs se feront du 30 mai au 2 juin, à partir du Théâtre d’Aujourd’hui.
Avec le Forfait Liberté 55, le chemin est tracé par l’artiste visuel Stefan St-Laurent, le cinéaste Pascal Sanchez, l’auteure-compositrice-interprète Rebecca Dô, et l’auteur et metteur en scène Olivier Choinière. Le menu Classique escapade porte la signature de l’artiste visuel Martin Dufrasne, du performeur François Marquis, de l’écrivain Maxime-Olivier Moutier et de Kondition pluriel, une compagnie fusionnant danse et arts médiatiques. Enfin, l’Utilitaire-sport vous transportera entre les stations de la compagnie de théâtre documentaire Projet Porte-Parole, du touche-à-tout Stéphane Crête, des artistes Johnny Ranger et Philippe Ducros.
Conduit par un jeune comédien faisant office de chauffeur, le "client" participera dans chaque station à une séance privée de 10 minutes sur le thème de la liberté, interprétée… librement par les artistes. "Les créateurs doivent établir une situation qui laisse une marge de liberté au spectateur, qui peut toujours intervenir – ou sortir. Ce dernier va vivre des situations qui vont tester ses propres limites par rapport à sa liberté morale, philosophique…"
Les journalistes de la presse écrite ont eux-mêmes eu droit à une drôle de petite balade, afin de rencontrer quelques artistes qui avaient pour mandat de parler de leur projet sans pour autant en vendre le punch. Mission impossible: c’est resté plutôt nébuleux, la liberté de la presse s’arrêtant où commence celle de l’artiste…
Explorant "la dichotomie entre la parole et le geste", l’intervention d’Olivier Choinière – qui semblait avoir plus de questions à poser aux journalistes que de réponses à leur donner! – invitera le spectateur à faire un geste spécifique dans un énigmatique lieu "historique".
Quant à Stéphane Crête, il avait d’abord songé à orchestrer un dialogue sur la liberté entre le spectateur et un détenu, séparés par une de ces vitres typiques aux prisons… Faute de lieu propice, l’ex-docteur Crête s’est rabattu sur le Centre d’hébergement et de soins de longue durée Saint-Charles-Borromée pour la station qu’il a conçue (mais dans laquelle il ne jouera pas, puisqu’il est requis ailleurs). À quoi s’attendre: un tête-à-tête avec un "bénéficiaire" privé de la liberté de mouvements? Mystère… Chose certaine, le membre de Momentum est ici en terrain familier. "J’aime beaucoup cultiver le trouble et l’ambiguïté chez le spectateur. Et là, il va se retrouver dans des situations déstabilisantes. Ça prend l’esprit d’aventure…"
Si vous n’avez pas l’audace – ou la chance – de faire partie des rares élus (150 tout au plus) de cette randonnée en solo, vous pouvez choisir de passer la soirée à la salle Jean-Claude Germain, en compagnie de deux ex-chauffeurs de taxi, campés par Claude Despins et le truculent Louis Champagne. Pour 5 $, le Grand Taxithon de la liberté vous convie à une "espèce de reality show" où vous pourrez suivre, via cellulaires et walkies-talkies, l’itinéraire des plus courageux.
Point de chute des artistes et clients en fin de soirée, l’endroit se transformera en un genre de cabaret pour conclure comme il se doit ce ludique happening théâtral…
Du 30 mai au 2 juin
Réservations: 598-0299