Minus One : La folie du large
Scène

Minus One : La folie du large

En rendant hommage au chorégraphe israélien OHAD NAHARIN, les Grands Ballets Canadiens offrent une soirée festive et surprenante à leur public montréalais.

On dit souvent que la ligne qui sépare la folie de la raison est bien mince. C’est du moins l’avertissement que nous sert Ohad Naharin en ouverture de Minus One, un audacieux collage d’extraits de sept de ses oeuvres, présenté jusqu’au 8 juin au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. Sans être parfait, ce programme nous introduit avec bonheur dans le répertoire de ce chorégraphe israélien qui allie une folie insolite et baroque à une gestuelle fluide et sensuelle.

Autant dans ses choix musicaux que dans l’enchaînement des pièces (les ruptures de ton et de style ponctuent cette soirée de 80 minutes qui réserve bien des surprises), Naharin enrobe son art d’un délicieux parfum de ludisme. Un plaisir qui semble avoir été partagé par la troupe des Grands Ballets Canadiens (GBC). Le chorégraphe qui a déjà créé deux oeuvres pour les GBC (Axioma 7 et Perpetuum) a travaillé cette fois avec les 28 interprètes de la compagnie qui semblent avoir sauté avec joie dans les créations débridées de Naharin.

Après un solo aussi cocasse qu’impromptu livré avant le lever du rideau, Minus One s’ouvre pour de bon avec un extrait d’Anaphaza. Ce ballet créé en 1993 pour le 30e anniversaire de la Batsheva Dance Company, dont Ohad Naharin dirige les activités depuis déjà 10 ans, intègre la musique d’une chanson juive traditionnelle avec des rythmes un peu plus contemporains. Assis sur des chaises disposées en demi-cercle, vêtus de costumes sobres et de chemises blanches et coiffés de chapeaux noirs, 26 danseurs forment une meute. L’un après l’autre, les danseurs se détachent du groupe, brisant ainsi l’anonymat de cette multitude, un peu comme dans une chorégraphie de Jean-Pierre Perreault (on pense à Joe). Ce tableau est d’une remarquable efficacité et atteint un crescendo lorsque les interprètes arrachent leurs vêtements pour les propulser avec fureur au centre de la scène.

Dans un autre numéro, Naharin reprend une idée de Bob Fosse, entre autres, pour exposer l’inconscient des interprètes. Pendant qu’un danseur s’exécute en solo sur scène, on peut entendre ses confidences préenregistrées sur une bande. Des révélations secrètes, à la fois drôles et troublantes (dont la peur du vide, au centre de leur métier), mais qui s’éternisent un peu et ne sont pas toutes d’intérêt égal.

Ce tableau est suivi d’un drôle de rituel pour cinq interprètes masculins, dont la charge homoérotique est subitement interrompue par une excentrique chanteuse de cabaret juchée sur des échasses qui fait du lip-sync sur Yma Sumac! Déroutant.

Après une autre surprise (celle-là rappelle la non-danse du chorégraphe français Jérôme Bell), et une suite de solos pour femmes, la pièce finale nous transporte dans un état proche de la grâce. L’univers étrange, singulier et pénétrant de ce chorégraphe restera gravé dans ma mémoire.

Les 5, 6 et 8 juin
Au Théâtre Maisonneuve