La Trappe : Le chat et la souris
Contrairement à la grande reine de l’intrigue policière, j’avoue tout de go mon crime: je ne suis pas un fan d’Agatha Christie. Il y a dans l’oeuvre de la célèbre romancière anglaise un charme un peu vieillot, très victorien, qui me laisse indifférent. Néanmoins, je lui reconnais sa grande maîtrise et son immense talent.
Contrairement à la reine de l’intrigue policière, j’avoue tout de go mon crime: je ne suis pas un fan d’Agatha Christie. Il y a dans l’oeuvre de la célèbre romancière anglaise un charme un peu vieillot, très victorien, qui me laisse indifférent. Néanmoins, je lui reconnais sa grande maîtrise et son immense talent. Deux qualités qui lui ont permis de publier 84 ouvrages, traduits en 57 langues, et vendus à plus de deux milliards d’exemplaires (!) depuis 1920, année où elle publia La Mystérieuse Affaire de Styles, son tout premier livre.
En démontrant que le meurtrier n’est jamais celui que l’on pense, Agatha Christie a, en somme, démocratisé le crime. Elle a aussi créé des personnages excentriques et mémorables – Hercule Poirot, Miss Marple, pour nommer que les plus connus – dont les névroses sont dépeintes avec humour. Auteure d’une vingtaine de pièces de théâtre, dont la plus célèbre, The Mousetrap, tient l’affiche à Londres depuis 1952, battant tous les records: 20 000 représentations avec pas moins de 340 comédiens, dont de grands noms tels que Richard Attenborough et David Raven.
Quelques jours après le mystérieux meurtre d’une femme, un policier se rend, malgré une grosse tempête de neige, dans un vieux manoir en périphérie de Londres pour enquêter sur l’affaire. Il y rencontre une demi-douzaine de personnages étranges et colorés qui pourraient avoir un rapport avec le crime. Entre le détective de Scotland Yard et les locataires-suspects du manoir, il va s’amorcer un jeu du chat et de la souris durant lequel tous les soupçons sont permis.
La Trappe a pris l’affiche du Théâtre du Rideau Vert la semaine dernière, coproduite avec Zone 3, dans une traduction du dramaturge René-Daniel Dubois et une mise en scène de Jean Asselin. Le fondateur de la troupe Omnibus a dirigé une distribution sans vedettes, ce qui est assez audacieux pour une production hors saison. Il a favorisé un style de jeu plus proche du mime que du théâtre psychologique. Le metteur en scène a, entre autres, retiré les accessoires scéniques (les acteurs font semblant de lire le journal, ou de parler au téléphone); un procédé amusant mais qui à la longue nous distrait un peu du suspense.
Cette Trappe représente donc un risque artistique. Malgré des longueurs (le texte aurait mérité des coupures) et un miscasting (Jean Boilard, dans le rôle du sergent-détective, manque d’autorité, de présence, et trébuche parfois sur son texte), ce spectacle arrive à nous attraper au détour.
Paul Ahmarani se démarque de la distribution. Arborant une flamboyante chevelure orangée et une gestuelle élastique, le comédien ressemble à un personnage d’une bédé de Claire Brétécher. Avec intelligence, il propose une attitude corporelle collant parfaitement à la personnalité de son jeune homme dont les extravagances ne sont qu’un fard sur sa vulnérabilité. Violette Chauveau, Lénie Scoffié et Carl Béchard, toujours aussi impayable, donnent de solides prestations comiques. Par contre, le sénateur Jean-Louis Roux semble un peu étranger à cet univers et son jeu est effacé.
Reste qu’il ne faut pas bouder son plaisir. Ce spectacle, qui va sûrement se roder au fil des représentations, est un excellent cadeau pour les fans d’Agatha Christie. Et une assez bonne soirée de théâtre pour ceux qui, comme moi, ne le sont pas.
Jusqu’au 10 juillet
Au Rideau Vert