Nomade du Cirque Éloize : Sur la route
Il faudra bien un jour cesser de dire que le Cirque du Soleil a fait des petits, et constater que certains de ceux-ci sont devenus grands.
Il faudra bien un jour cesser de dire que le Cirque du Soleil a fait des petits, et constater que certains de ceux-ci sont devenus grands. Et qu’ils ont une personnalité bien à eux. Le Cirque Éloize, compagnie fondée en 1993 par des Madelinots, en est déjà à son troisième spectacle, après Excentricus et Cirque Orchestra. Pas le plus gros des cirques québécois, mais peut-être le plus sympathique…
Créé la semaine dernière à Trois-Rivières, à la belle Salle J.-Antonio-Thompson, Nomade s’organise autour du thème de l’itinérance – décidément de mise pour un cirque. Les Montréalais sédentaires, eux, ne pourront voir ce beau spectacle qu’en février 2003, après sa longue tournée américaine. Disons que le voyage en vaut la peine…
Conçu presque entièrement par une équipe d’artistes de théâtre (le scénographe Guillaume Lord, la créatrice de costumes Mérédith Caron, le concepteur d’éclairages Martin Labrecque), Nomade est à la croisée de toutes les routes: acrobaties propres à l’art du cirque, influences plus théâtrales, musique, cabaret, poésie.
Ici, une souple contorsionniste promène sensuellement, avec ses orteils, une éponge à laver sur son corps; là, dans un numéro superbe, des couples dessinent, en défiant la gravité, un genre de rêverie amoureuse; ou encore une charmante trapéziste disserte, entre deux acrobaties, sur l’amour qui viendra… Par ailleurs, le charismatique Bartlomiej Soroczynski et son acolyte en chamailleries, Nicolas Leresche, forment un irrésistible tandem clownesque. Très courte, la seconde partie se révèle peut-être moins étincelante, mais plus théâtrale, le fil narratif apparaissant plus clairement: la célébration d’un mariage. Le tout s’achève par un banquet chaotique, foisonnant de vie.
Si les numéros de jongleurs, de voltige ou de corde lisse sont généralement très réussis, ce qui distingue le Cirque Éloize, c’est peut-être surtout l’enrobage, le liant. Nomade ne se contente pas d’être une parade de numéros disparates. Chacun est mis en valeur dans un contexte plus théâtral (tels ces sauts avec une perche qui sont joués comme une compétition entre deux clans) et s’insère dans un ensemble plus grand, grâce à un esprit de troupe très fort, qui assure une cohésion au spectacle et en fait une véritable fête aux accents saltimbanques. Une célébration emportée sur un rythme entraînant, un ton léger et gamin, avec des chants et la musique enveloppante de Lucie Cauchon. Mettant en vedette 14 artistes d’une belle polyvalence, plus quatre musiciens sur scène, la troupe dissémine une bonne humeur et un plaisir contagieux.
Nomade bénéficie sans doute beaucoup de la mise en scène du clown et homme de théâtre italo-suisse Daniele Finzi Pasca, qui lui apporte une touche poétique et rigolote. L’auteur et interprète d’Icaro et de Giaccobe propose des images insolites, oniriques, de beaux flashs, une poésie sensuelle et touchante.
Grâce au langage universel de cet art ouvert qu’est le "cirque nouveau", cet adepte des spectacles pour "un seul spectateur" devrait en séduire des masses dans les mois à venir…
Jusqu’au 21 juillet
À la Salle J.-Antonio-Thompson, à Trois-Rivières