Long, long, short, long : Huis clos ferroviaire
Pour sa première pièce de théâtre, Long, long, short, long, le romancier anglo-montréalais Trevor Ferguson réunit dans un wagon cinq travailleurs ferroviaires plutôt fêlés…
Construire un chemin de fer, c’est un peu comme bâtir une prison, en posant soi-même les barreaux au sol. Un travail aliénant, qui attire de drôles de coucous. Pour sa première pièce de théâtre, Long, long, short, long, le romancier anglo-montréalais Trevor Ferguson réunit dans un wagon cinq travailleurs ferroviaires plutôt fêlés qui ont fui leurs proches, incapables de lancer le S.O.S. qui leur brûlait la gorge. Des hommes en colère de toutes origines, prisonniers volontaires d’un chantier du Nord de la Colombie-Britannique.
C’est Guy Sprung, le directeur artistique d’Infinitheatre et metteur en scène du spectacle, qui a eu l’excellente idée de commander un texte dramatique à Trevor Ferguson, auteur de renommée internationale dont les thrillers publiés sous le pseudonyme de John Farrow ont trouvé preneur dans 15 pays. Le résultat est étonnant, loin du menu léger souvent de mise durant la saison estivale.
L’action se déroule en 1967, mais ça aurait pu être en 1900 tant Zend, Nuno, Frank, Dino et Cliff vivent en marge du monde moderne. Logés dans un wagon sans électricité ni eau courante, refuge contre une nature hostile, ces rustres tentent de bâtir des ponts entre leurs cinq solitudes. Le personnage pivot est Zend, un cynique Néerlandais qui a abandonné sa fiancée et quitté son pays, terrorisé, dit-il, par la beauté. Le comédien Andreas Apergis campe avec beaucoup de prestance cet être suicidaire, qui fait payer son malheur à ses compagnons d’infortune. À ses côtés, on retrouve: Nuno (Peter Batakliev, surprenant), un Portugais troublé qui travaille pour nourrir une famille qu’il n’a pas vue depuis 15 ans; Frank (Dino Tavarone, pour la première fois dans une pièce anglo), un truculent déserteur italien qui rêve de remplacer le contremaître; Dino (Lou Vani, amusant), l’Italo-Canadien simple d’esprit; et enfin Cliff, le jeune voleur survolté, interprété par le talentueux Brett Watson.
Cette solide distribution est épaulée par des concepteurs doués, dont la scénographe Maryse Bienvenu, qui a réussi un tour de force en se procurant des rails et des morceaux de vieux trains pour construire le majestueux wagon-dortoir qui occupe tout l’espace scénique. Malgré quelques faiblesses mineures (dans le jeu comme dans le texte, par moments prévisible), il ne faut surtout pas laisser le train passer…
À quand une production francophone de ce huis clos ferroviaire?
Jusqu’au 14 juillet
Salle Du Maurier du Monument-National